Nobody : besoin de personne

Parfois au cinéma, apparaissent des projets absolument surprenants : la rencontre des concepteurs de John Wick, Derek Kolstad (scénariste), David Leitch (producteur et réalisateur) et d’un acteur surtout connu pour son sens inné de la tchatche que pour ses muscles bodybuildés. Oui, vous n’allez pas le croire, il s’agit de Bob Odenkik alias Saul Goodman aka Jimmy McGill de la fameuse série de Vince Gilligan et Peter Gould, Better call Saul. Autant dire qu’on était loin de l’imaginer en héros de film d’action, de revenge movie, castagnant à tout va. Ce contre-emploi tout à fait étonnant représente le principal intérêt de Nobody qui, outre cela, va concentrer les clichés traditionnels de ce type de film, sans y déroger d’un iota.

Hutch Mansell, un père et un mari frustré, totalement déconsidéré par sa famille, se contente d’encaisser les coups, sans jamais les rendre. Il n’est rien. Une nuit, alors que deux cambrioleurs pénètrent chez lui, il fait le choix de ne pas intervenir, plutôt que de risquer une escalade sanglante. Une décision qui le discrédite définitivement aux yeux de son fils Blake, et qui semble l’éloigner encore plus de sa femme Becca. Cet incident réveille chez cet homme blessé des instincts larvés qui vont le propulser sur une voie violente, révélant des zones d’ombres et des compétences létales insoupçonnées. Dans une avalanche de coups de poings, de fusillades et de crissements de pneus, il va tout faire pour tirer sa famille des griffes d’un redoutable ennemi et s’assurer que, plus jamais, personne ne le prenne pour un moins que rien.

Tel quel, rempli à ras bord de violence cartoonesque qu’il serait indécent de prendre au sérieux, Nobody remplit son contrat de film de divertissement, on ne saurait lui en demander davantage.

L’excellent Bob Odenkirk trouve donc dans Nobody un contre-emploi inattendu, qu’il assume avec beaucoup de cran. D’une certaine manière, le phénomène d’identification jouera sans doute bien davantage par rapport aux stars du genre, les Chuck Norris et autres Dolph Lundgren. Pour le reste, les amateurs de bagarres, scènes de fusillades et cascades en tous genres ne seront pas en reste dans ce film qui cherche par ailleurs à développer un thème intéressant, celui de l’addiction à la violence. Dire que la réflexion serait un tant soit peu développée serait mentir mais il faut déjà être reconnaissant à Ilya Niashuller de l’avoir amorcée. On peut se montrer d’ailleurs réservé sur l’angle moral du film qui ne paraît guère conséquent, puisque tout le film est un pur prétexte à défouloir du samedi soir. En l’occurrence, la rapidité cinétique du film sert de passe-partout scénaristique, se reposant sur les canons de la violence des bandes dessinées, qu’il ne faudrait donc pas trop prendre au sérieux. Néanmoins il est difficile de ne pas croire que d’une certaine manière, ce type d’oeuvre ne va guère encourager les bas instincts de monsieur-Tout-le-Monde qui ne possède pas de compensations dans une vie remplie de désillusions et de frustrations. Dans Nobody, il faut d’ailleurs remarquer que la séquence de Joker où dans le métro, un quidam embêté par trois importuns les réduit à merci, a été complètement reprise, ce qui donne une idée des agressions nocturnes aux Etats-Unis. On notera les apparitions de Christopher Lloyd, en père déjanté du personnage principal, et de Michael Ironside qui font toujours plaisir à voir.

Bref, on n’en aurait pas parlé si le film ne bénéficiait pas de la présence ô combien magnétisante de Bob Odenkirk qui parvient (presque) à tout faire passer, y compris les exactions les moins justifiées et les plus crapuleuses. Tel quel, rempli à ras bord de violence cartoonesque qu’il serait indécent de prendre au sérieux, Nobody remplit son contrat de film de divertissement, on ne saurait lui en demander davantage.

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2.5

RÉALISATEUR : Ilya Naishuller
NATIONALITÉ : américain
AVEC : Bob Odenkirk, Connie Nielsen
GENRE : Action
DURÉE : 1h32
DISTRIBUTEUR : Universal Pictures International France
SORTIE LE 2 juin 2021