Pas facile de faire renaître sur grand écran les personnages de BD de nos enfances, surtout quand ils font partie de notre culture francophone. Nombreux sont les cinéastes qui s’y sont essayé, avec plus ou moins de succès. Pour ne nommer que les plus récents : Elie Semoun et sa trilogie des Ducobu ou encore le dernier volet d’Astérix (L’empire du milieu) par Guillaume Canet. Avec Natacha (presque) hôtesse de l’air, Noémie Saglio (notamment connue pour la drôlissime série Connasse et son adaptation cinématographique) sort des cartons du grenier des planches que les moins de quarante ans ne connaissent pas forcément ! Et le choix s’avère payant : avec cette aventure inventée, qui offre ses “débuts” à l’héroïne des années 70, Noémie Saglio nous livre une comédie surprenante, drôle, moderne… que personne n’attendait !
Depuis sa plus tendre enfance, Natacha ne rêve que d’une chose : devenir hôtesse de l’air pour voyager et découvrir le monde. Alors, quand elle assiste au hold-up de la Joconde, à quelques minutes de son premier vol transatlantique, elle n’hésite pas une seule seconde : elle se lance à la poursuite des malfaiteurs, bien décidée à assurer son rôle de personnel de bord. Sa course-poursuite, secondée par Voltaire le steward gauche et pleutre, l’entraîne à travers la France, l’Italie… jusqu’à se découvrir elle-même ?
Noémie Saglio dessine pendant une heure trente un film féministe ancré dans son époque post-MeToo.
La “vraie” Natacha de crayon, apparue en 1970 dans Spirou, est un des premiers personnages principaux féminins dans le monde alors très masculin de la bande-dessinée. Une petite révolution à l’époque, malgré une sexualisation assumée des courbes de la jolie blonde. Avec son hôtesse (“aux cheveux plats et trop grande”, dixit la voix off du film personnifiée par Fabrice Luchini) incarnée par l’excellente Camille Lou, Noémie Saglio va beaucoup plus loin et dessine pendant une heure trente un film féministe ancré dans son époque post-MeToo. Pas de répit dans les dialogues : ici on parle pervers narcissique, sororité, pilules contraceptives qui rendront malades les femmes et ras-le-bol des “hommes blancs de cinquante ans qui commentent toutes vos actions”, dans des anachronismes parfaitement maîtrisés. Jusqu’à des renversements de situation truculents, comme cette scène improbable où le père de Natacha et les agents des services secrets se retrouvent balai et plumeau à la main, sous le regard inquisiteur d’une mère soudain rebelle.
Natacha (presque) hôtesse de l’air est une satire de nos sociétés, pas seulement féministe mais également politique et médiatique, le tout porté par un humour mêlant tirades à la OSS 117 et situations merveilleusement grotesques. Comme cette scène avec les petites filles habillées en Mona Lisa derrière la porte d’une chambre, qui rappelle les ressorts comiques de La cité de la peur. Les ping-pong des dialogues sont rapides, le rythme du montage calibré, on sort du cinéma aussi secoué qu’après un atterrissage, avec la certitude qu’il va falloir le revoir pour découvrir toutes les subtilités cachées ! Clin d’œil au personnage du complotiste Bertrand Fouard-Michel, joué par Baptiste Lecaplain, renommé BFM pour notre plus grand plaisir.
Pour servir cette comédie vivifiante, Noémie Saglio soigne la forme. Dès les premières images retraçant l’enfance de Natacha, vives et aux teintes rétro, on tombe sous le charme. La colorimétrie, les décors, les vêtements fleuris et géométriques des années 50 puis 70 : rien n’est laissé au hasard. Et avec son casting 5 étoiles, la réalisatrice réussit le tour de force de mettre sur le même plan l’ensemble des acteurs et actrices, tous au diapason. Difficile de dire qui, des deux acteurs principaux, Camille Lou et Vincent Dedienne, ou des rôles secondaires, Didier Bourdon, Elsa Zylberstein, Antoine Gouy ou encore Baptiste Lecaplain, tire le plus son épingle du jeu ! Aucune fausse note. De quoi nous offrir une comédie française à la hauteur des plus grandes.
RÉALISATEUR : Noémie Saglio NATIONALITÉ : Française GENRE : comédie AVEC : Camille Lou, Vincent Dedienne, Didier Bourdon, Antoine Gouy, Elsa Zylberstein, Baptiste Lecaplain DURÉE : 1h30 DISTRIBUTEUR : Pathé Films SORTIE LE 2 avril 2025