My Zoé : life without Zoé

On aime, on adore Julie Delpy pour sa drôlerie, son inventivité, sa fantaisie, sa folie d’actrice. D’ailleurs on avait plus qu’aimé la plupart de ses films, hormis son précédent Lolo, tentative ratée de s’attirer les faveurs du grand public et de glaner un possible succès commercial qui l’a finalement fuie. Comme si elle avait compris le rejet de ce projet, elle a mis la barre à 180 degrés, en choisissant le drame. Comme disait François Truffaut, il faut souvent faire le film suivant à l’opposé de celui qui l’a précédé. Néanmoins cette recette ne constitue pas une garantie absolue de réussite, elle représente seulement une manière d’éviter la routine et la répétition. Quid de My Zoé?

Après son divorce, Isabelle, généticienne, tente de reprendre sa vie en main. Elle tombe amoureuse et décide de relancer sa carrière. Mais son ex-mari, James a du mal à l’accepter et lui rend la vie dure dans la bataille qu’il mène pour obtenir la garde de leur fille Zoé. Une tragédie les frappe et la famille s’en trouve brisée. Isabelle décide alors de prendre le destin en main.

My Zoé est bien plus gênant par son indécision existentielle que par le côté relativement plat de sa mise en scène. Il fait partie des films que l’on aurait aimé aimer mais qui se révèlent trop flous dans leur perspective pour permettre l’adhésion.

Le début de My Zoé est assez trompeur. Le film commence doucement comme une ode au bonheur familial, en célébrant particulièrement l’amour d’une mère pour sa fille. Puis au fur et à mesure, l’on s’aperçoit que cette femme reconstruit sa vie, en se séparant de son mari (et père de sa fille) qui le prend plus que mal, en jouant l’obstruction. Rien de bien transcendant jusque-là, on s’aventure en terrain connu, la séparation de couples puis quelques moments plus tard, le deuil d’un enfant. L’on finit par se demander pour quelle raison Julie Delpy a voulu raconter une histoire aussi sinistre, dépourvue d’humour, l’une de ses principales qualités, filmée en couleurs froides et ternes, sinon pour évoquer le traumatisme extrêmement douloureux de la perte d’un enfant. Le contexte nous évoque de très loin Scènes de la vie conjugale de Bergman, avec une légère mise à jour, la masculinité toxique se trouve cette fois-ci plus que mise en avant. Néanmoins Julie Delpy ne se démarque pas véritablement d’autres films sur la séparation et le deuil, en creusant le lieu commun.

C’est à ce moment que le film choisit de dériver vers la science-fiction, en abordant des thèmes plus que passionnants, le clonage, la fécondation in vitro en solitaire, la gestation pour autrui. Soudainement My Zoé ressemble thématiquement, sinon esthétiquement, à un épisode de Black Mirror, sans le rythme et le tranchant de la série anthologique. Car, tournant à Berlin et Moscou, Julie Delpy a choisi de s’inspirer d’une esthétique assez froide et rébarbative, ce qui a plutôt un effet contre-productif sur le spectateur. Lors de la précédente incursion de Julie Delpy dans le drame, La Comtesse était teinté de fantastique, en adaptant l’histoire d’une vampire qui survivait en se nourrissant du sang de jeunes victimes. Cette fois-ci, c’est plutôt le contraire, puisqu’il s’agit de prolonger par tous les moyens la vie d’une plus jeune. Néanmoins l’absence de rythme et la banalité globale de la mise en scène plongent davantage le spectateur dans Derrick que dans Black Mirror. Signalons en effet que tout suspense est par avance complètement éventé par le premier plan du film, pour ceux qui souhaiteraient se montrer attentifs.

De plus, à partir d’un certain moment, il semble que Julie Delpy ait totalement évacué la question du point de vue. On ne peut en effet guère se placer du côté du mari au comportement dévastateur ni de celui de l’épouse, égarée dans un délire de toute-puissance. Manque une perspective humaine et relativement rationnelle qui peine à s’incarner dans le médecin incarné par Daniel Bruhl, perdu dans ses contradictions. Julie Delpy, en incarnant le rôle principal, semble vouloir montrer que la protagoniste a forcément raison, alors qu’elle transgresse des interdits moraux, sans même se poser les dilemmes qui s’imposent.

A l’arrivée, My Zoé est bien plus gênant par son indécision existentielle que par le côté relativement plat de sa mise en scène. Il fait partie des films que l’on aurait aimé aimer mais qui se révèlent trop flous dans leur perspective pour permettre l’adhésion.

2.5

RÉALISATEUR : Julie Delpy 
NATIONALITÉ : française 
AVEC :  Julie Delpy, Richard Armitage, Daniel Brühl
GENRE : Drame
DURÉE : 1h42 
DISTRIBUTEUR : Bac Films
SORTIE LE 30 juin 2021