Depuis presque trente ans, Tom Cruise tient le monde entier en haleine grâce à sa franchise de films d’action Mission: Impossible, le premier signé De Palma datant de 1996. Par conséquent, si dans ce huitième volet, le spectateur lit dans le titre « final », il peut se demander légitimement s’il s’agit bien du dernier chapitre, et si Tom Cruise aura osé mettre fin à l’existence de la poule aux yeux d’or, aka Ethan Hunt, comme les Broccoli ont osé tuer James Bond dans Mourir peut attendre. Nous ne répondrons pas ici à ces questions angoissantes, de peur de divulgâcher ce qui pourrait constituer l’intérêt du film pour le spectateur de tous les jours. Seule nous préoccupe en fait la valeur cinématographique de ce nouvel opus potentiellement conclusif. Présenté en grande pompe au dernier Festival de Cannes, avec Masterclasse de Christopher McQuarrie à la clé, Mission : Impossible – The Final Reckoning tient ses promesses de grand spectacle de divertissement et retrouve par instants la fibre abstraite et inventive des premiers « serials » de Feuillade.
Ethan Hunt, l’agent de la structure secrète Mission Impossible, a réussi à récupérer une clé qui permettrait de contrôler l’Entité, mais il doit pour cela retrouver son code source dans le sous-marin Sébastopol, qui a coulé en 2012 quelque part dans l’Arctique, et le combiner avec une clé USB contenant un programme développé par Luther Stickell, collaborateur de Hunt.
Mission : Impossible – The Final Reckoning tient ses promesses de grand spectacle de divertissement et retrouve par instants la fibre abstraite et inventive des premiers « serials » de Feuillade.
Le précédent volet avait le tort de s’intituler Première partie, mention qui a été retirée depuis, et n’a pas atteint, c’est relatif, le succès mondial visé par Tom Cruise et Christopher McQuarrie. Il avait surtout un grand avantage : le fait assez innovant à l’époque de présenter l’Intelligence Artificielle comme le grand ennemi, un peu avant que le sujet n’envahisse tous les médias de la planète et ne se retrouve sur toutes les lèvres. Il présentait quelques défauts rédhibitoires : un méchant caricatural et inintéressant au possible, un dénomme Gabriel, dont les motivations resteront obscures, et surtout la disparition d’un des personnages les plus attachants de la franchise, Ilsa Faust, interprété par la magnifique Rebecca Ferguson, sorte d’équivalent d’Ethan Hunt au féminin, aussi intelligente en stratégie que brillante au combat. Certes sa disparition fut l’occasion d’un épisode absolument déchirant mais elle manque indubitablement à la franchise, au point que l’on peut se demander si cette éviction du personnage était en définitive une bonne décision.
Le premier quart d’heure, qui représente un résumé du précédent chapitre en même temps qu’une compilation en accéléré des sept premiers opus, atteint une vitesse cinétique hallucinante, à la dimension d’abstraction fascinante. En revanche, la partie centrale sous-marine concernant la récupération du disque dur contenant le code source, s’avère un peu inutilement longue. Mais c’est pour mieux terminer en feu d’artifice : quatre actions simultanées ont lieu, rappelant le bon vieux temps des actions parallèles dans les films de Griffith; une poursuite en avions atteint une dimension abstraite encore une fois remarquable et symptomatique du cinéma muet. Tom Cruise cascadeur et acrobate n’est pas si éloigné de Buster Keaton, Harold Lloyd ou Charlie Chaplin, ces voltigeurs de l’absolu.
Le film reprend (sans doute volontairement) beaucoup d’éléments de Mission : Impossible : Fallout, le plus grand succès commercial de la franchise.: une triple action parallèle muant en quadruple ; une poursuite aérienne, l’avion remplaçant l’hélico. Au passif de ce volet, le méchant Gabriel est toujours aussi dénué d’intérêt ; Hayley Atwell ne fait jamais oublier Rebecca Ferguson ; un compagnon historique d’Ethan Hunt disparaît définitivement ; une mauvaise prédiction concernant les résultats des élections présidentielles américaines, puisque dans l’univers parallèle de Mission : Impossible, le Président est une femme noire (bonjour Kamala). A son actif, les punchlines de Pom Klementieff, excellente en tueuse repentie ; une efficacité surmultipliée de la mise en scène de McQuarrie ; l’élégance chez Cruise de recruter des partenaires féminines ayant dépassé la trentaine ; Cruise seul au monde pour tenter de sauver une nouvelle fois l’univers.
A l’arrivée, même si The Final Reckoning n’atteint pas la réussite de Fallout ou Rogue Nation, il s’agit d’un final récapitulatif digne qui laisse la porte ouverte à une éventuelle suite possible ou à un éternel recommencement. A l’impossible, Tom est toujours tenu.
RÉALISATEUR : Christopher McQuarrie NATIONALITÉ : américaine GENRE : action, espionnage AVEC : Tom Cruise, Hayley Atwell, Simon Pegg, Pom Klementieff DURÉE : 2h49 DISTRIBUTEUR : Paramount Pictures SORTIE LE 21 mai 2025