Men : le visage du mâle

L’introduction de Men synthétise parfaitement l’œuvre du britannique Alex Garland : une femme cueille une pomme. Innocente en apparence, la scène renvoie aux premiers hommes et à l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Le péché originel irrigue les œuvres horrifiques du cinéaste, prompt à explorer la noirceur de notre condition humaine. Après l’homme-Dieu d’Ex Machina, créateur de femmes, Men poursuit une réflexion entamée sur le pouvoir de domination du « sexe fort ». Un geste de cinéma radical, féroce et volontairement irrévérencieux sur la masculinité toxique, devenue systémique.

Une image hante Harper (Jessie Buckley) : elle revoit la chute de son mari, tombé du palier supérieur. En instance de divorce, James avait prévenu sa femme, s’ils ne se remettent pas ensemble, il se suicide. Pour se reconstruire, elle décide de prendre de la distance et de s’isoler dans la campagne anglaise. Lors d’une balade en forêt, Harper remarque qu’une présence l’observe. Le bucolique village où se trouve sa maison se transforme en un enfer pavé de mauvaises intentions.

Un geste de cinéma radical, féroce et volontairement irrévérencieux sur la masculinité toxique, devenue malheureusement systémique.

Le parti pris de Men est sans détour : tous les hommes sont des monstres en puissance. Ils sont plusieurs et un à la fois, unis par un comportement toxique. Que cela soit le propriétaire de la maison de campagne, le policier ou encore le prêtre, ils partagent tous les traits de l’acteur Rory Kinnear, tantôt avenant, tantôt inquiétant. Une multiplication de personnalités pour sonder les différentes facettes de ces hommes nocifs et pervers. Un récit « folk horror » à la manière de Midsommar, mêlant mythes immémoriaux, légendes locales et sujets de société. Pour conclure sur les références, on pense également à l’inconfortable It Follows et son fort sentiment d’oppression. Plus que la thématique de la masculinité moderne, le cinéaste s’interroge sur la reproduction du mal dans une société uniformisée. Lors d’une scène finale à l’aspect anthologique, Men prend une ampleur inattendue, devenant à la fois trash, cérébral et foncièrement symbolique. Il y a autant d’hommes que d’Harper. Un trauma sans fin, une boucle sans issue, où la même question revient inlassablement : et maintenant ? Vaincre et recommencer, ad vitam æternam. Imparfait, mais fascinant.

3.5

RÉALISATEUR : Alex Garland
NATIONALITÉ : Royaume-Uni
AVEC : Jessie Buckley, Rory Kinnear, Paapa Essiedu
GENRE : Horreur, Drame
DURÉE : 1h40
DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport
SORTIE LE 8 juin 2022