Mémoires d’un escargot : think different

Ceux qui ont vu Mary et Max, le premier film d’Adam Elliot, peuvent se vanter d’avoir été frappés par la foudre cinématographique. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Mémoires d’un escargot, son deuxième film, remporte à nouveau, seize ans plus tard, le Cristal du meilleur long métrage d’animation au Festival d’Annecy, et permet de retrouver l’univers plein de fantaisie d’Adam Elliot, mettant en avant des personnes solitaires et résolument différentes. Face à ces deux films, on vit l’impression tenace de reconnaître dans ce cinéaste australien un pur génie de l’animation, voire du cinéma tout court.

À la mort de son père, la vie heureuse et marginale de Grace Pudel, collectionneuse d’escargots et passionnée de lecture, vole en éclats. Arrachée à son frère jumeau Gilbert, elle atterrit dans une famille d’accueil à l’autre bout de l’Australie. Suspendue aux lettres de son frère, ignorée par ses tuteurs et harcelée par ses camarades de classe, Grace s’enfonce dans le désespoir. Jusqu’à la rencontre salvatrice avec Pinky, une octogénaire excentrique qui va lui apprendre à aimer la vie et à sortir de sa coquille…

C’est tout le mérite de Mémoires d’un escargot d’offrir une démonstration éblouissante de cinéma d’animation, tout autant qu’un message de vie et d’espoir, à l’attention des défavorisés et des marginaux.

Adam Elliot, cinéaste très particulier, obsessionnel, maniaque et perfectionniste, ressemble à ses films, ou plutôt l’inverse, ses films lui ressemblent profondément. Au lieu d’inventer des personnages, comme dans la plupart des films de fiction et a fortiori d’animation, il préfère s’inspirer de personnes vraies et de traumatismes réels qu’elles doivent traverser : Max et son syndrome d’autiste Asperger, Grace, son bec-de-lièvre et sa syllogomanie (manie de collectionner des objets divers et variés), etc. Ce qui rend ses oeuvres d’animation, qu’il qualifie de Clayographies (de l’anglais clay qui signifie argile et graphie pour biographie), très originales car traitant de thématiques sombres comme la dépression ou le harcèlement. A la manière de Tarantino, Adam Elliot se signale aussi par un plan de carrière étonnant : il ne fera que neuf films dans le cadre de sa « Trilogie des Trilogies » (neuf films : trois courts métrages (de moins de 10 minutes), trois moyens métrages (d’environ 20 minutes) et trois longs métrages (de plus d’1h30)). Pour Tarantino, l’objectif consiste en une dizaine de films. Sur les neuf films prévus, Elliot en a déjà réalisé sept : il ne lui en restera que deux après Mémoires d’un escargot.

Comme vous l’avez compris, Mémoires d’un escargot est un film d’animation réalisé en stop-motion avec de la pâte à modeler. Il a exigé la conception de 200 personnages, 200 décors et 7000 accessoires, pour un tournage de 33 semaines nécessitant 135 000 prises de vues. Ces chiffres astronomiques révèlent la complexité du projet et le perfectionnisme du metteur en scène, engendrant une profusion de détails parfois infinitésimaux à chaque plan.

L’objectif d’Adam Elliot consiste à mettre en valeur des personnages marginaux, dans leur solitude ou isolement, afin de révéler leur part d’humanité et de nous attacher à eux, malgré ou parfois grâce à leur différence. Après Mary et Max, où Adam Elliott parlait plus ou moins de lui et de ses amis, Mémoires d’un escargot se focalise sur sa famille, en particulier sa mère qui souffrait d’une manie compulsive de la collection. Comme dans Mary et Max, le principal noeud de l’intrigue concerne une correspondance au long cours entre deux personnes très éloignées, auparavant une petite fille complexée et solitaire et un autiste Asperger, et dans ce nouveau film, Grace et son frère Gilbert, à qui il arrivera une multitude d’événements inimaginables et rocambolesques, l’occasion de réfléchir à divers phénomènes d’actualité comme le harcèlement, l’existence de sectes, etc.

Pourtant, même si l’ensemble des sujets sont plutôt graves, le ton reste la plupart du temps humoristique, les personnages étant sauvés par l’amitié pouvant exister entre générations différentes (Mary par rapport à Max ou ici Grace en relation avec Pinkie). C’est tout le mérite de Mémoires d’un escargot d’offrir une démonstration éblouissante de cinéma d’animation, tout autant qu’un message de vie et d’espoir, à l’attention des défavorisés et des marginaux.

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RÉALISATEUR : Adam Elliot 
NATIONALITÉ :  australienne
GENRE : animation 
AVEC :  Jacki Weaver, Eric Bana, Sarah Snook, Kodi Smit-Mc-Phee
DURÉE : 1h34 
DISTRIBUTEUR : Wild Bunch Distribution
SORTIE LE 15 janvier 2025