Maldoror : cela s’appelle l’horreur

Avec Maldoror, Fabrice Du Welz se frotte à un terrain inhabituel pour lui, la reconstitution d’un fait divers réel, la fameuse affaire Marc Dutroux qui a tristement marqué la Belgique des années 90. A travers une affaire ayant réellement existé, on se trouve assez loin a priori de ses films précédents avec ses personnages tourmentés, voire délirants. Pourtant, Du Welz ne prend pas le chemin d’une reconstitution naturaliste, en adoptant le point de vue d’un gendarme débutant mais surdoué, Paul Chartier. Ce faisant, il réalise sans doute ainsi son meilleur film, se confrontant à la rédemption et au poids de la culpabilité.

En 1995, deux jeunes filles disparaissent en Belgique. L’affaire, très médiatisée, bouleverse la population et déclenche une frénésie médiatique sans précédent. Le jeune gendarme Paul Chartier va alors participer à une opération secrète, surnommé « Maldoror », chargée de surveiller le suspect n°1. Malgré un système dysfonctionnel, Paul va alors s’impliquer dans l’enquête qui va peu à peu l’obséder.

Porté par un Anthony Bajon qui va jusqu’au bout de son immense talent, Maldoror devient une quête métaphysique où un petit gendarme va essayer de s’en prendre à un système complètement vicié de l’intérieur et de faire triompher la vérité, quitte à s’abandonner au Mal.

Si Maldoror touche aussi juste, c’est que Du Welz a pris comme point d’entrée dans cette affaire, le témoignage d’un gendarme qui a entendu des voix dans la cave du suspect numéro un dans cette affaire, rebaptisé Marcel Dedieu (Sergi Lopez, fascinant en méchant absolu). Ce point de vue est incarné à l’écran par le grandiose Anthony Bajon qui nous fait comprendre dans le rôle de Paul Chartier comment le poids de l’échec et de la culpabilité va complètement bouleverser sa vie. Certes Paul Chartier n’est pas parti sur de bonnes bases, étant le fils d’une famille qu’il a renié, fils d’un taulard et d’une prostituée (incroyable Béatrice Dalle dans une scène sublime de retrouvailles).

Pourtant Du Welz va masquer le véritable propos du film, en commençant par une chronique assez naturaliste de la vie de ce gendarme : affaires à résoudre au quotidien, idylle puis mariage avec une jeune femme de la communauté sicilienne de Charleroi (l’occasion de faire un clin d’oeil au Parrain de Coppola, avec la fascinante Alba Gaia Bellugi, déjà présente dans Inexorable, petite soeur très ressemblante de Sofia Coppola). Le spectateur va identifier des habitués de l’univers de Du Welz : Laurent Lucas (fantastique en supérieur hiérarchique de Chartier), Jackie Berroyer, Sergi Lopez, déjà cité, Mélanie Doutey, ainsi que Alexis Manenti (excellent en collègue dépassé) débarquant pour la première fois dans le cinéma de Du Welz.

Mais Maldoror va progressivement devenir aussi fou que son protagoniste et quitter les rails d’une reconstitution sagement naturaliste. Fabrice Du Welz prend ses précautions et adopte le parti pris de la mise à distance par la fiction. Il ne va donc pas raconter l’affaire Dutroux de manière trop réaliste et choisit par exemple de modifier de manière significative le nom de l’incriminé. Il n’adoptera pas non plus son point de vue, mais se placera du côté de la loi et des enquêteurs. Dans sa première partie, voire au-delà, Maldoror peut ainsi être vu comme la description d’un système judiciaire et policier vicié où gendarmerie, police communale et police judiciaire marchent sur les platebandes des unes et des autres. Du Welz montre cet embrouillamini atroce qui a conduit à la mort de jeunes victimes emprisonnées.

C’est un peu comme si Du Welz avait commencé son film comme Zodiac, avec inscription de dates à l’écran et accumulation de pièces du dossier, et le finissait comme Seven, dans la démesure et le lyrisme. En plus de deux heures et demie, Maldoror prend savamment le temps d’effectuer ce renversement narratif et symbolique. On sentait déjà Du Welz accéder à une certaine maturité dans l’obsédant Inexorable. Porté par un Anthony Bajon qui va jusqu’au bout de son immense talent, Maldoror devient une quête métaphysique où un petit gendarme va essayer de s’en prendre à un système complètement vicié de l’intérieur et de faire triompher la vérité, quitte à s’abandonner au Mal.

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RÉALISATEUR : Fabrice Du Welz 
NATIONALITÉ :  belge 
GENRE : thriller 
AVEC : Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti, Sergi Lopez, Laurent Lucas, Felix Maritaud, Mélanie Doutey, Béatrice Dalle.
DURÉE : 2h35 
DISTRIBUTEUR : The Jokers Films
SORTIE LE 15 janvier 2025