Alors qu’il a été présenté en séance de minuit au Festival de Cannes 2019, on pensait que Lux Aeterna de Gaspar Noé ne sortirait jamais en salles, non du fait du Covid (quoique…), mais en raison de son format inhabituel (51 minutes) qui l’apparente davantage à un moyen métrage qu’à un long. Or Lux Aeterna sort bien en salles mais que peut bien raconter Gaspar Noé en 51 minutes?
Lux Aeterna se présente ainsi radical et sans concessions, comme un concentré de l’art de la mise en scène selon Gaspar Noé, en cinquante-et-une petites minutes.
Lux Aeterna se focalise sur un tournage chaotique, dirigé par Béatrice Dalle, et interprété par Charlotte Gainsbourg qui a accepté de jouer une sorcière qui sera brûlée sur une croix, entourée de deux autres crucifiées. En-dehors de l’introduction, conversation drolatique entre Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle, faisant ressentir une certaine empathie entre ces deux phénomènes cinématographiques qu’on avait du mal à imaginer ensemble, le reste du tournage, filmé en numérique basse définition et en split-screen, ira de mal en pis. Charlotte Gainsbourg devra repousser les demandes d’un fan insistant, apprenti metteur en scène (Karl Glusman, assez humoristique dans son rôle de Candide/Schpountz) ; Beatrice Dalle n’en pourra très vite plus des sollicitations permanentes des membres de son équipe de tournage.
Dans Lux Aeterna, Gaspar Noé fait du Gaspar Noé. Il le faisait d’ailleurs déjà dans Climax et n’essaie pas de modifier son cinéma d’un iota : transe, hystérie, chaos se trouvent toujours au programme. C’est un peu sa vision personnelle du cinéma, résumée en 51 minutes, son Mépris, sa Nuit Américaine, son Prenez Garde à la Sainte Putain. Lux Aeterna ressemble à un prototype de film méta : Charlotte et Béatrice jouent leurs propres rôles sur un tournage qui en fait n’existe pas mais pourrait être celui du film qu’elles sont en train de tourner. Le tout est entrecoupé de citations de grands metteurs en scène uniquement identifiés par leurs prénoms, Jean-Luc (Godard), Carl Th(eodor Dreyer), Rainer (Werner Fassbinder), se focalisant sur la pureté de l’art du cinéma, plus ou moins incompatible avec le business inhérent à l’industrie cinématographie, et la nécessité de se comporter comme un dictateur sur un plateau de tournage.
D’un point de vue de pure mise en scène, le plus intéressant réside dans les séquences de split-screen qui occupent la grande majorité du film, séquences qui se rejoignent ou pas d’un côté l’autre. Le jeu entre ces deux parties, gauche et droite, de l’écran maintient une tension et un intérêt lors de la projection du film. Pour le reste, Gaspar Noé se fiche de raconter la moindre histoire. Lux Aeterna plaira avant tout aux aficionados de son style. Le film se présente ainsi radical et sans concessions, comme un concentré de l’art de la mise en scène selon Gaspar Noé. On peut être agacé par sa prétention et le creux abyssal de sa narration. Néanmoins il reste un style cinématographique qu’on peut apprécier ou non mais qui existe incontestablement, contrairement à la grande majorité des productions courantes. Ce n’est ni moyen ni bon ni atroce. C’est à prendre ou à laisser. A voir pour les amateurs en tout cas.