Love on Trial : l’amour plus fort que le système des idoles

Le nouveau long métrage de Koji Fukada, Love on Trial, était présenté sur la Croisette dans la section Cannes Première. Découvert en France avec sa délicieuse chronique sous influence rohmérienne Au Revoir l’été en 2013, Fukada avait déjà eu les honneurs de la Sélection officielle cannoise avec l’excellent Harmonium (Prix du Jury Un Certain Regard en 2016), puis avec son séduisant diptyque, Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis lors de l’édition de 2020 finalement annulée pour cause de Covid-19. Avec ce nouvel opus, Fukada poursuit son exploration de la société japonaise et de ses travers par une dénonciation du système des idoles.

Jeune idole de la pop en pleine ascension, Mai commet l’irréparable : tomber amoureuse, malgré l’interdiction formelle inscrite dans son contrat. Lorsque sa relation éclate au grand jour, Mai est traînée par sa propre agence devant la justice. Confrontés à une machine implacable, les deux amants décident de se battre, non seulement pour leur avenir, mais pour défendre le droit le plus simple et le plus universel : celui d’aimer.

Avec ce nouvel opus, Fukada poursuit son exploration de la société japonaise et de ses travers par une dénonciation du système des idoles.

Il est nécessaire de rappeler la signification du terme « idole » dans son acception japonaise puisque le film en fait une description assez minutieuse, notamment dans sa première partie : il s’agit de jeunes artistes (ici féminines), sélectionnés adolescents pour leur physique lors d’auditions organisées par des maisons de production qui les forment au chant et à la danse pour promouvoir leur image parfaite dans les médias et l’exploiter dans de nombreux produits et supports à destination d’un public adolescent ou de jeunes adultes. Cela passe comme dans Love on Trial par la constitution d’un groupe (nommé « Happy Fanfare »), et par le respect de règles de vie stricte, imposées par les managers, comme le fait de ne pas avoir de vie de couple afin de se consacrer uniquement à leur carrière et de satisfaire pleinement leurs fans. Cet argument avancé dès le début du film parait vraiment irréaliste ; pourtant Love on Trial s’inspire de faits divers ayant eu lieu au pays du Soleil Levant. Toute cette première partie met en place ces différents éléments avec une grande précision : les concerts s’enchaînent (et leur imagerie mièvre lors des clips musicaux devant une foule de fans transis), tout comme les rencontres officielles avec les admirateurs. On est quelque peu gêné (c’est la volonté du réalisateur) par ces moments somme toute très artificiels. Les moments de vie privée, notamment les sorties entre ami(e)s, sont également montrés par Fukada. Les scènes de séduction entre l’une des artistes, Mai, et un magicien des rues sont visuellement assez belles, apportant une touche légèrement romantique. Mais c’est bien sur la pression du milieu musical qu’il insiste avant d’en révéler toute l’ineptie à travers un acte d’une violence inouïe : découvrant que la chanteuse principale, Nanako, est en couple (les photos d’une soirée privée ont « fuité »), un admirateur finit par l’agresser physiquement, le groupe vacille.

Pire, lorsque Mai, autre membre de Happy Fanfare, décide de tout quitter pour vivre avec celui qu’elle aime, elle se retrouve poursuivie devant les tribunaux pour non-respect d’une des clauses de son contrat. Elle est aussi violemment prise à partie par d’anciens fans sur les réseaux sociaux. Fukada n’hésite pas à dénoncer le lynchage numérique qui trouble la nouvelle vie de Mai.

Fukada n’hésite pas à dénoncer le lynchage numérique qui trouble la nouvelle vie de Mai.

Toute la deuxième partie de Love on Trial évoque alors le combat que choisit de mener Mai (d’abord avec son compagnon avec lequel elle s’est installée, puis seule) contre ses anciens employeurs, remettant ainsi en cause un ordre établi et refusant le sacrifice total exigé dans les contrats signés par ces idoles (ne pas avoir le droit de vivre une relation amoureuse). Le fait que cette lutte (qui passe par les prétoires) soit celle d’une femme contre un système masculin (les producteurs étant tous des hommes) est loin d’être anodin d’autant plus que cette clause injustifiée ne s’applique apparemment qu’aux femmes. Un problème universel qui fait nécessairement écho au mouvement #MeToo en Amérique du Nord et en Europe. Les scènes dans le tribunal, plus graves, sont d’ailleurs filmées avec un cadre resserré et fermé, installant une certaine froideur et donnant plus de profondeur au film.

Si cette œuvre reste mineure dans la filmographie de Koji Fukada, elle n’en reste pas moins largement recommandable.

Love on Trial est donc un long métrage nécessaire, plutôt séduisant surtout dans sa deuxième moitié, toutefois l’ensemble apparaît un peu inégal, manquant parfois de rythme. Certains enjeux, très vite définis, auraient mérité d’être traités avec plus de lisibilité. Si cette œuvre reste mineure dans la filmographie de Koji Fukada, elle n’en reste pas moins largement recommandable.

3.5

RÉALISATEUR :  Kôji Fukada
NATIONALITÉ : Japon, France 
GENRE : Drame
AVEC : Saito Kyoko, Yuki Kura, Kenjiro Tsuda
DURÉE : 2h03
DISTRIBUTEUR : Art House
SORTIE LE 4 février 2026