Little Girl Blue : les confessions d’une mère

Mona Achache (Le Hérisson, Les Gazelles) présente son nouveau film, Little Girl Blue, en séance spéciale au Festival de Cannes 2023. Le standard rock de Janis Joplin, portant le même titre, reste le seul point fort de cette sorte de fiction documentaire où la cinéaste se met en scène, au côté d’une Marion Cotillard prenant les traits de sa mère. Affublée d’une perruque noire et d’un maquillage la vieillissant, l’actrice française incarne cette femme, à travers des conversations enregistrées et les souvenirs de Mona Achache. En enquêtant, celle-ci déterre des confessions, secrets, investigue sur cette maman décédée, et livre ainsi un cinéma expérimental, loin de son style, un pari ambitieux, mais qui aurait simplement pu être qu’un documentaire de cinquante minutes, et encore… trop long, et pas assez captivant, cet hommage se compose de tirades et de monologues interminables, sans intérêts.

Mona Achache prend Marion Cotillard pour incarner sa mère, Carole, et tenter de mieux analyser les contours d’une personnalité sensible.

La démarche de Mona Achache, louable et pavée de bonnes intentions, consiste à redonner vie à cette mère, Carole, écrivaine ayant rencontré Violette Leduc, Jean Genet lors de sa vie. Une manière de reconstituer les fragments d’une existence pas souvent évidente, rongée par l’anxiété. Avec photos et archives, la cinéaste recolle les morceaux d’une vie. Si ce film partait avec une idée intéressante, il en résulte que Little Girl Blue aurait dû rester dans la sphère personnelle.

Réaliser une œuvre prenant la forme d’un hommage cinématographique peut devenir risqué quand il s’agit de raconter la vie d’un proche, peu ou pas connu. Certains films réussissent cet exercice de style en ayant une vraie proposition, d’autres se noient sous un schéma très conceptuel, comme ce Little Girl Blue, où Marion Cotillard s’investit fortement dans le rôle de cette mère, dirigée à l’aide d’une mise en scène théâtrale où elle rejoue des dialogues, rencontres, retranscrit les différentes confessions enregistrées. Ainsi, Mona Achache souhaitait que l’on en sache plus sur cette figure maternelle manquante, si aimée, érudite et si fragile à la fois. Toutefois, une impression persiste à la fin de la projection, celle d’avoir vu un long témoignage, mis en place publique, mais devant rester de l’ordre du personnel, tellement certains passages évoquent des blessures personnelles, le recours à la prostitution. Les grandes étapes de la vie d’adulte de Carole Achache se dévoilent, sans toutefois savoir qui elle fut véritablement, sauf une personne marquée par une sorte de spleen, une dépression récurrente. L’actrice de La Môme performe dans cette composition, avec une frappante ressemblance physique, toutefois engluée dans une succession de monologues redondants décrivant les états d’esprit de cette mère. Mélangée à des images d’archives, les scènes dans lesquelles elle apparaît alourdissent considérablement le propos, là où un documentaire aurait été bien plus percutant et informatif. Little Girl Blue n’est pas un film, mais une biographie informe, un mauvais spectacle conceptuel, ennuyant, pas nombriliste, simplement une maladroite transposition des douleurs d’une mère ne méritant aucunement d’être exposé sur grand écran.

La seule chose intéressante réside dans le fait que Mona Achache ne fut pas la première, dans cet univers familial, à enquêter sur la mère

Carole Achache, dans son livre Filles de , explique sa relation avec sa propre mère, Monique Lange. On se rend alors compte que l’art est un héritage, celle-ci étant la scénariste de Vanina Vanini de Roberto Rossellini ou La Prisonnière de Henri-Georges Clouzot, et l’épouse de l’écrivain espagnol Juan Goytisolo. Les aïeux de Mona Achache gravitaient donc autour de l’art, et la cinéaste prit donc la relève bien des années plus tard. Dans son ouvrage, Carole Achache écrit une adolescence sans repères, avec une mère laissant constamment une énigme, une enquête révélant des relations complexes, dont l’écrivaine restera marquée, passant par des instants mêlant vente de son corps, plans malsains, et quelques rencontres peu recommandables, une vie partant à vau-l’eau, quelque peu identique à celle de Jean Genet. Mona Achache se charge de continuer les investigations familiales, sans doute pour comprendre les raisons d’un décès, une démarche contenant une forte contenance émotionnelle pour la réalisatrice, mais dont le message ne passe absolument pas. Ni plus ni moins qu’une reconstitution laborieuse, Little Girl Blue permet au moins à la talentueuse Marion Cotillard de se mettre en valeur, à l’aide de ces textes qu’elle récite inlassablement et parfaitement, des mots difficiles qu’elle nous transmet, ces confessions personnelles sortant de sa bouche, mais qui, toutefois, auraient dû rester dans les cartons ou sur les cassettes.

1.5

RÉALISATEUR :   Mona Achache
NATIONALITÉ : France
GENRE :  Drame
AVEC : Marion Cotillard, Mona Achache
DURÉE : 1h35
DISTRIBUTEUR : Tandem
SORTIE LE 15 novembre 2023