L’Etrange Festival 2020 : ouverture et jour 1, une Amazone débarque

Nous avons quitté l’année dernière l’Etrange Festival sur la célébration extraordinaire de ses 25 ans. Nous nous étions promis d’y revenir. En septembre 2019, personne ne pouvait prévoir ce qui allait tous nous arriver collectivement. C’est donc un peu les larmes aux yeux que nous avons participé à l’ouverture de l’Etrange Festival cette année. Larmes de tristesse de voir les animateurs masqués, Covid oblige, devant une assemblée masquée. Ils étaient là, nous étions là et ce fut beau de sentir un an plus tard qu’on a été fidèles à ce rendez-vous, malgré tout. Larmes de joie encore plus de participer à notre premier festival en réel depuis le confinement, les précédents étant en ligne, de retrouver les joies de la grande salle et de l’émotion partagée devant des films inattendus et une cinéphilie pointue, exigeante mais toujours accessible.   

Cette année, une fois encore, malgré toutes les difficultés, l’Etrange Festival propose une programmation stimulante, singulière et souvent surprenante. De l’épopée historique (Tomiris, le film d’ouverture) au film expérimental (Lux Aeterna de Gaspar Noé) en passant par le film d’horreur coréen (Destruction finale), tous les goûts peuvent y être satisfaits! Si l’on rajoute des cartes blanches offertes à Marjane Satrapi et Pascale Faure qui nous font découvrir les films qui ont fondé leur cinéphilie et des reprises stimulantes (Piège pour Cendrillon d’André Cayatte, Black Journal de Mauro Bolognini), vous comprendrez que le festin cinématographique est abondant! On espère tous vous y retrouver lors de ces douze jours de festival qui s’annoncent marquants. Ajoutons pour les craintifs que les conditions sanitaires y sont parfaitement respectées.

Hier le Festival a donc commencé devant une salle 500 du Forum des Images, correctement remplie, aux deux tiers environ, tout en respectant les mesures de distanciation physique, par un film kazakh. Mais il ne s’agissait pas d’une œuvre misérabiliste, bien au contraire: Tomiris est une épopée historique relatant le destin hors normes d’une Amazone qui a défendu les droits des peuples nomades face aux despotes et tyrans de la pire espèce. Féministe bien avant la lettre, Tomiris (affublé d’un Y dans le sous-titrage) se révèle être une grande guerrière ainsi qu’une fine stratège. On craint au départ la faiblesse des moyens mis en œuvre puis l’on se rend compte que le film de Akan Satayev n’a pas à rougir devant les batailles de Game of Thrones, la dernière référence en matière d’épopée. Certes le film demeure extrêmement prévisible, ne rivalise pas avec Shakespeare ou Kurosawa, tout en employant les mêmes ressorts dramatiques (la traîtrise, l’intelligence stratégique) mais possède des touches d’humour (une demande en mariage faite en pleine bataille), de fantastique onirique (une Bête chimérique entre lion et loup) et une force de conviction qui emporte l’ensemble, assurant le spectacle, ce qu’on demande en fait à une ouverture.

La séance suivante, Possessor de Brandon Cronenberg (le fils de qui vous savez) était encore plus courue. Cette fois-ci, la salle 500 était bien remplie aux trois quarts, en dépit de l’heure assez avancée de la soirée. La distribution assez renommée (Andrea Riseborough, Jennifer Jason Leigh, Sean Bean) ainsi qu’une thématique assez étrange (des implants cérébraux permettant d’investir d’autres corps pour commettre des crimes) et le nom de Cronenberg n’y sont sans doute pas étrangers. Hélas, trois fois hélas, la déception nous a accablés devant ce film très attendu. Possessor ne commence pourtant pas si mal, par un crime perpétré en public au couteau, mystérieux et intrigant, mais s’enlise assez vite dans un dispositif d’échanges de corps et de brouillages cérébraux terriblement prévisibles. Brandon s’inspire évidemment de son paternel (Scanners, ExistenZ) mais sans l’urgence et la nécessité qui faisaient le prix du travail de David Cronenberg et lorgne encore plus du côté de David Lynch (les identités switchées de Lost Highway) ou de David Fincher (la schizophrénie de Fight Club). En dépit d’une certaine virtuosité imagière, le scénario tourne assez vite à vide, l’inspiration piquée aux uns et aux autres étant plaquée sur un dispositif scénaristique manquant d’âme. On notera juste au passage la jolie présence de Tuppence Middleton (Sense8) qui mérite mieux et un Sean Bean qui meurt comme d’habitude. On n’ose imaginer ce que David Cronenberg a pu dire à son fils, après avoir vu ce magma un peu indigeste.

Rendez-vous aujourd’hui jeudi pour la suite ainsi que les autres jours !

N.B. : la plupart des films sont projetés deux fois donc vous pourrez récupérer Tomiris, Possessor ou tout autre film, si le cœur vous en dit!