Avant la cérémonie d’ouverture des Paralympiques et la fin définitive de Paris 2024 dans la soirée, ce dimanche 8 septembre était déjà dominé par l’émotion. Les spectateurs de l’Etrange Festival ont pu assister en privilégiés au retour d’Adam Elliot (Mary et Max), avec son nouveau joyau Mémoires d’un escargot, et à la diversité de l’inspiration de Fabrice Du Welz, consacrant un documentaire étonnant à Béatrice Dalle partant sur les traces en Italie de Pasolini, élu « l’homme de sa vie ».
Tous ceux qui ont eu la chance de voir Mary et Max ne l’ont jamais oublié. Petit bijou de l’animation pour adultes, ce film, description de l’amitié improbable entre une petite fille souffre-douleur de ses camarades et un autiste victime du syndrome d’Asperger, aborde avec tact et humanité les thèmes de l’autisme, de la solitude et de la différence. Quinze ans plus tard, Adam Elliot retrouve dans Mémoires d’un escargot la même délicatesse de touche, la même tendresse envers les marginaux (ce personnage de juge devenu clochard en raison de pratiques inavouables), le même humanisme à fleur de peau, entre désespoir amusé et profonde empathie. Cette fois-ci, il s’inspire de la vie de sa propre mère, pour dresser le portrait de la vie cocasse et fracassée d’anonymes. Ses deux films d’animation en pâte à modeler ont tous les deux reçus le Cristal d’or au Festival d’Annecy, le célébrant à juste titre comme un génie du film d’animation.
Changement de genre avec La Passion selon Béatrice de Fabrice Du Welz, mais toujours la même émotion qui a poursuivi les spectateurs de L’Etrange Festival ce dimanche. Béatrice Dalle était déjà présente dans Maldoror du même metteur en scène, bouleversante en mère reniée par son fils. Cette fois-ci, c’est la vraie Béatrice Dalle qui devient le sujet principal de ce projet parallèle de Fabrice Du Welz. Elle part en Italie sur les traces d’un des grands amours de sa vie, Pier Paolo Pasolini, prétexte à dresser en creux son propre portrait, celui d’une femme libre et intransigeante, en-dehors des conventions et des contingences. Elle évoquera ainsi aussi avec Abel Ferrara, guest star, Godard et Pasolini, les seuls cinéastes qui étaient des intellectuels tout autant que des metteurs en scène ou Céline qui n’aimait pas Shakespeare qui s’évertuait à séduire le lecteur. Tourné en noir et blanc, à la faveur de longues discussions dans des restaurants ou des cafés, La Passion selon Béatrice évoque étrangement dans sa forme Godard, celui des grandes discussions philosophiques de Vivre sa vie, Une femme mariée ou La Chinoise. Du Welz se permet même de citer une autre séquence de Vivre sa vie, en filmant Béatrice Dalle en pleurs, décomposée, devant les images de L’Evangile selon Matthieu de Pasolini, clin d’oeil à Anna Karina en larmes devant La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer. Béatrice Dalle n’est pas venue à la projection, en raison de problèmes personnels. Peu importe, elle était plus présente que jamais via l’écran, donnant un exemple de liberté, d’anticonformisme et de générosité, qu’elle a assurément puisé chez Pier Paolo Pasolini.