L’Etrange Festival 2020 Jour 9 : histoires de femmes

Le neuvième jour, c’était le jour des histoires étranges de femmes. On commence ainsi par Impetigore, film indonésien de Joko Anwar, où Maya et Dini, lassées de la vie urbaine, rejoignent en pèlerinage leur village natal. Elles vont dès lors rencontrer trois petites filles qui ressemblent davantage à des fantômes qu’à des enfants et devront affronter une malédiction ancestrale. On est d’emblée étonné par la qualité technique de Impetigore et surtout par la foi dans le cinéma qui s’en dégage. Tout va très vite, au point que le sous-titrage n’arrive guère à suivre (N.B. : le film est sous-titré en anglais, sous-titrage que le spectateur est obligé de suivre à toute vitesse, puisque, sauf exception, il ne parle pas indonésien). On notera en particulier une impressionnante séquence de flash-back qui livre les tenants et les aboutissants de la malédiction à l’œuvre. Joko Anwar croit au cinéma, à sa capacité à communiquer les histoires de fantômes et d’hallucinations, foi qu’ont peut-être perdue bien des films américains et français, comme Possessor ou Hunted qui n’arrivent plus qu’à recycler des recettes éculées.

On avait bien aimé découvrir l’année dernière à L’Etrange Festival La Marque du Tueur de Seijun Suzuki, polar sec, nerveux et assez bizarre. Cette fois-ci, L’Etrange Festival nous convie à la découverte de sa trilogie Taishō, beaucoup plus poétique et onirique, au point que nous avons pu voir deux cinéphiles décrocher et quitter la salle au bout d’une heure et quart de film. Brumes de chaleur, le film en question, est en effet quasiment irracontable, encore une histoire de fantômes, mais mixée avec des éléments psychanalytiques (dichotomie moi intérieur/moi apparent), du théâtre Nô, une avalanche de faux raccords cultivés à foison, des plans sublimes de beauté. En résumé, le film ne plaira pas aux spectateurs rationnels qui ont besoin d’une cohérence générale à laquelle se raccrocher. On se souviendra surtout de la séquence de la représentation théâtrale qui occupe 20 bonnes minutes et de ces visions singulières de geishas aux cheveux blonds et aux yeux bleus. Intrigué par ce cinéaste dont se réclament Jarmusch, Tarantino ou Wong Kar-wai (rien que cela!), on essaiera néanmoins de voir les deux autres volets de la trilogie qui seront projetés lors de cette fin de festival.

Enfin, on a clôturé la journée par la fin de la carte blanche offerte à Marjane Satrapi. Le film espagnol, La Nina de Fuego de Carlos Vernut avait échappé à nos radars lors de sa sortie en 2015 ; c’était une belle occasion de le rattraper. Thriller vénéneux rassemblant les trajectoires de trois personnages dissemblables, une jeune femme perturbée, le père d’une fille atteinte de leucémie, un ancien détenu lié à la jeune femme, La Nina de Fuego mène sur un rythme lent l’entrecroisement de ces trois destins qui vont se compléter pour finir par se détruire réciproquement. Assez intéressant par sa construction scénaristique qui fonctionne par raccrochage de wagons, le film pâtit d’un manque de rythme qui lui est un peu préjudiciable, même si ce choix de réalisation (plans fixes, absence de musique), finit par constituer un style au bout du compte. C’est un peu le type de films à usage unique, qu’on découvre pour leur scénario, mais qu’on ne revoit pas pour leur mise en scène. Reste tout de même le beau visage de Barbara Lennie, bourgeoise instable psychologiquement, obligée de se sacrifier pour satisfaire à un chantage.