Avec ce septième jour, on a donc passé le cap de la deuxième moitié de festival. Il reste encore de belles choses à découvrir : en vrac, la carte blanche donnée à Marjane Satrapi, la mini-rétrospective Seijun Suzuki, Kajillionnaire de Miranda July, Lux Aeterna de Gaspar Noé, etc.
On a commencé doucement ce mardi par la présentation de Pour l’Eternité de Roy Andersson, Lion d’argent de la mise en scène à la Mostra de Venise 2019. Le Suédois flegmatique poursuit son œuvre à un train de sénateur (5 films en 50 ans!), en conservant de manière immuable le même style de saynètes tragi-comiques, de petites vignettes en plan fixe, témoignant d’un sens de l’observation très affûté du monde contemporain. Pour l’Eternité devait sortir début 2020 et en a été empêché par le Covid-19. Le film est construit comme une chanson de Bob Dylan, A hard rain’s gonna fall, racontant ce qu’a pu voir une personne dans le monde : « J’ai vu… ». On y croisera donc sans continuité narrative Adolf Hitler, une armée en route vers la Sibérie et surtout quelques anecdotes hilarantes, le prêtre qui a perdu la foi et se voit refuser l’entrée d’un cabinet de psychiatrie, sous prétexte que le médecin ne souhaite pas manquer son bus, le quidam qui se demande comment un quidam complètement stupide a pu décrocher un doctorat, le dentiste qui renonce à opérer un patient qui a refusé l’anesthésie locale…Un humour assez fin, discret, qui s’impose au fil des plans sur un monde étrange et pittoresque qui est bien le nôtre.
Marjane Satrapi a également ce septième jour commencé sa carte blanche par la présentation de Tommy de Ken Russel que l’on a préféré éviter, croisant ainsi son ancien compère Vincent Paronnaud (co-réalisateur de Persépolis et Poulet aux prunes) qui fêtait dans la salle 500 du Forum des Images l’avant-première européenne de Hunted, son long métrage en solo. Nous avions été plutôt déçu par Radioactive le dernier long métrage de Marjane Satrapi, nous ne pensions pas qu’il était possible de nous décevoir davantage. Pourtant Vincent Paronnaud y est parvenu avec ce slasher d’une bêtise confondante. Hunted s’inscrit plus ou moins dans le genre codifié du slasher, voire empruntant au rape and revenge, (sans qu’il y ait viol efffectif, même si nous n’en sommes pas très loin), en mettant en scène une jeune blonde pourchassée par un duo dépareillé d’obsédés sexuels. Malheureusement, il n’en ressort aucune originalité de regard, les méchants du film étant définis comme strictement bornés et sordides, tandis que la protagoniste se révèle être étrangement peu attachante. Ni fait ni à faire, Hunted nous a consterné tout du long, les quelques rares tentatives d’humour tombant à plat. Représenter de manière aussi frontale le harcèlement peut paraître bien intentionné mais cela produit du très mauvais cinéma, excessif, prévisible et racoleur. On ne peut que sauver le sens pictural et sonore qui surnage quelque peu dans cette boue, ainsi que le prologue réalisé essentiellement en film d’animation. Amère déception.
Fort heureusement, nous terminâmes la soirée de manière plus guillerette, en visionnant le nouveau montage du film d’Alex Van Warmerdam, datant de 2003. L’Etrange Festival aime présenter des nouvelles versions de films déjà connus. C’était déjà le cas l’an dernier avec la projection de Irréversible : Inversion intégrale de Gaspar Noé et du Voleur d’Arc-en-ciel d’Alejandro Jodorowsky. Les créateurs peuvent ainsi exprimer un repentir sur leur œuvre insatisfaisante à leurs yeux et rectifier le tir en en proposant un nouveau montage. N’ayant pas vu la version originelle de Grimm Re-Edit, nous ne pouvons nous prononcer sur la différence entre la nouvelle version et le film de 2003. En revanche, il est possible de constater que cette relecture des contes des frères Grimm est souvent savoureuse, hilarante et joyeusement décalée. Même s’il n’est pas parvenu à la même reconnaissance internationale, Alex Van Warmerdam, cinéaste néerlandais, possède une jolie petite musique, comparable à celles de Jarmusch, Kaurismaki ou …Roy Andersson! Un décalage subtil dans le regard qui permet d’observer le prosaïsme du quotidien sous un angle nouveau. On passe ainsi d’enfants déjà grands mais abandonnés, Marie et Jacob, qui vont ériger le système D en mode de vie à un périple en Espagne qui se terminera dans un décor de western surprenant et inattendu, tout comme l’est ce film rafraîchissant et original.