C’est dans le cadre du FIPADOC (Festival International de la Production Audiovisuelle et du Documentaire) 2025 de Biarritz que nous est présenté en avant-première ce film de Jaimie D’Cruiz. Le documentariste britannique n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a sur une durée assez longue de temps – de 1990 à 1998 – réalisé nombre de documentaires pour la chaîne de télévision Channel 4 avant de se mettre à son compte et de produire notamment un documentaire réalisé par l’artiste Banksy en 2010 – Exit through the Gift Shop. Sa société de production Acme Film fondée en 2011 s’intéresse particulièrement à la culture populaire contemporaine. C’est dans cet esprit-là qu’il nous livre un documentaire sur la vie et l’œuvre de Sam Cox, alias Mr Doodle (« Mr Gribouillage » en français), jeune illustrateur et artiste britannique originaire du Kent connu pour son style de griffonnages détaillés inspirés de Keith Haring.
Le film adopte un point de vue purement chronologique en commençant par nous relater son enfance à travers le témoignage de ses camarades de classe ou de son professeur de dessin entrecoupé de bandes vidéo d’époque ou de photographies le représentant parfois en train de se mettre en scène, enfance déjà sous le signe de son obsession de dessiner et de gribouiller en permanence à n’importe quel moment de la journée ou de la nuit. Sa singularité par rapport aux autres enfants de son âge se manifeste ainsi très tôt et ses parents de confirmer qu’il était déjà différent, très bon élève par ailleurs et assidu. Jusqu’à ce qu’il décide de se revêtir d’un costume et d’un chapeau blanc entièrement gribouillés de sa main à une exposition de son œuvre devant ses camarades d’université. Il avait créé son double artiste : Mr Doodle.
Le documentaire est un témoignage à la fois effrayant et fascinant de ce que la créativité peut avoir parfois à faire avec la folie.
Se faisant mondialement connaître grâce aux réseaux sociaux Facebook et Instagram tout d’abord en Asie puis dans le monde entier, son œuvre fascine le public jusqu’à tant que ses œuvres se vendent très bien et très cher. Son travail apparaît sur une variété de supports allant des vêtements aux murs en passant par tout ce sur quoi il met la main. Loquace et extraverti lorsqu’il s’agit de faire parler et se mouvoir son personnage, Sam Cox est beaucoup plus timide quand il s’agit de parler de lui face à la caméra. C’est à un rythme rapide que les images se succèdent dans une première partie, soulignant son enthousiasme un peu fou et sa manie de dessiner partout et tout le temps, relatant son ascension fulgurante à travers le monde et sa rencontre avec Alena qui deviendra sa femme. Chansons drolatiques en bande-son, co-écrites par Mr Doodle lui-même et séquences animées qui démontrent que le réalisateur n’hésite pas à mêler les moyens de la fiction au drame véridique qu’il nous raconte. Manifestation aussi de l’histoire que Sam Cox se raconte en héros du gribouillage destiné à remplir le monde entier.
Frénésie qui le conduit à la rupture avec lui-même. Mr Doodle ne dort plus tellement il est obsédé par son personnage et sa manie de dessiner tout le temps sans s’arrêter. Il en devient littéralement malade. Sam Cox est mis sur la touche et règne à sa place Mr Doodle qui hurle à qui veut l’entendre à travers les couloirs de l’hôpital qu’il a besoin d’aide et que tout le monde lui en veut. Interné pendant six semaines dans un hôpital psychiatrique, il en passe par les affres de la dépersonnalisation. Images sombres animées et musique glauque accompagnent cette phase du documentaire qui, avec le témoignage de ses proches et de ses parents, glacent d’effroi le spectateur devant l’image de cet artiste devenu fou ou au bord de le devenir. Une expérience terrifiante pour qui s’y plonge avec sincérité. Même si nous le retrouvons, ayant apparemment retrouvé son équilibre mental, vivant avec sa femme – Mrs Doodle – au sein de la maison aux airs de manoir qu’il a achetée 1,5 million de dollars dans le Kent et qu’il a transformée en toile parfaitement blanche pour la recouvrir entièrement – draps de lit, siège des toilettes, ustensiles de cuisine, abat-jour et souris de l’ordinateur – de gribouillages. Le documentaire est un témoignage à la fois effrayant et fascinant de ce que la créativité peut avoir parfois à faire avec la folie. Une histoire de dédoublement de la personnalité qui fait froid dans le dos filmée avec délicatesse et sens de la vérité. Une plongée à travers les profondeurs de la création.
RÉALISATEUR : Jaimie D'Cruz NATIONALITÉ : Britannique GENRE : Documentaire AVEC : Sam Cox, Alena Cox, Andrea Cox, Nell Cox DURÉE : 1h30 DISTRIBUTEUR : SORTIE LE Prochainement