Qu’attendre encore d’un film Marvel? Qu’il en finisse une fois pour toutes avec la surenchère d’effets spéciaux et essaie a minima de ressembler à un bon film, en traitant de vrais sujets, d’éviter le vain « fan-service », et de se concentrer sur la qualité, bien davantage que sur la quantité (personnages, durée). En se focalisant sur la santé mentale, Thunderbolts avait commencé à initier un changement notable dans le Marvel Cinematic Universe (MCU), Les Quatre Fantastiques : premiers pas se chargent de finir le travail. Alors que ces personnages avaient pour l’instant surtout engendré des échecs artistiques et commerciaux au cinéma (les deux adaptations de Tim Story ainsi que la plus récente, celle de Josh Trank, guère restée dans les mémoires), Les Quatre Fantastiques : Premiers pas s’impose en fait comme la meilleure adaptation du comics correspondant, grâce à une alchimie étonnante entre les quatre membres du groupe et un côté délicieusement rétrofuturiste dû à l’inscription de l’histoire dans les années soixante.
Dans les années 1960, sur la Terre-828, un monde aux allures rétrofuturistes, les Quatre Fantastiques sont les seuls super-héros de leur univers. Quatre ans auparavant, Reed Richards, Ben Grimm (son meilleur ami), Susan, (son épouse), et Johnny Storm, (le frère de sa femme) ont acquis des pouvoirs surhumains à la suite d’un accident lors d’une mission spatiale. Reed, l’homme le plus intelligent du monde, peut étirer son corps à volonté, son épouse Susan contrôle l’invisibilité et crée des champs de force, son frère Johnny s’enflamme comme une torche humaine, et Ben, le meilleur ami de Reed, s’est transformé en une créature rocailleuse à la force colossale. Véritables icônes mondiales, ils œuvrent pour protéger la Terre et maintenir la paix, notamment à travers la Future Foundation, dirigée par Susan.
Alors que le genre du film de super-héros devient de plus en plus décrié, Les Quatre Fantastiques : premiers pas prend le chemin d’une narration à l’ancienne, humble, modeste et visant directement au but.
Il serait difficile de le nier. Kevin Feige, le grand patron du MCU, a essayé d’éviter dans la mesure du possible les écueils déjà découverts dans les volets précédents. La durée aussi infiniment extensible auparavant que le corps de Reed Richards s’épanouit désormais dans une période standardisée de moins de deux heures. Le film, au lieu de servir de terrain de jeux assez puéril à des échanges guère productifs de grosses blagues, se concentre sur des sujets dignes d’intérêt : après la santé mentale de Thunderbolts, ce volet se recentre sur les notions de famille et surtout de sacrifice pour le bien de l’humanité tout entière. L’aspect spectaculaire, parfois plus qu’excessif des productions Marvel, ne disparaît pas mais surgit essentiellement dans les quarante dernière minutes, un peu comme la cerise sur le gâteau. Ce n’est plus le centre du MCU, mais une sorte de dessert qui tient lieu de récompense pour les spectateurs.
L’essentiel s’est en effet déporté du spectaculaire vers les personnages, ce qui paraissait encore impossible quelques mois auparavant. Le film bénéficie énormément de sa direction artistique qui situe par beaucoup de détails assez fins et cocasses l’époque du film dans les années soixante, ce qui a pour effet de rappeler par bien des aspects la série Mad Men. Or il se trouve que Matt Shakman, grand réalisateur de séries (Game of Thrones, WandaVision, Six Feet under, etc.) a entre autres signé des épisodes de la fameuse série de Matthew Weiner. D’où certainement le côté ironiquement décalé des décors et de la réalisation qui s’en inspire largement. Contrairement aux versions des Quatre Fantastiques des années 2000-2010, il ne s’agit pas ici d’un Origins story. En dix minutes, la question des origines est rapidement expédiée pour laisser la véritable histoire commencer quatre ans plus tard.
Bien plus que les Avengers qui était une formation constituée de bric et de broc, Les Quatre Fantastiques représentent une petite famille unie par des liens de sang ou d’amitié très forts. C’est ce que l’on observe à commencer par le couple Reeds-Sue, l’épouse attendant son premier enfant, Franklin, puis pour le tandem ami de l’un – frère de l’autre qui complète le quatuor. Or qui dit importance des liens signifie aussi le risque de les mettre en péril. L’unité n’existe pas sans le danger qui pointe le bout de son nez. Face au danger, seul le sacrifice permet de resserrer les troupes. C’est bien ce qui advient, en particulier en provenance des deux personnages féminins du film : Sue (Vanessa Kirby, parfaite en Mère consciente des enjeux) et Shalla-Bal (formidable Julia Garner, peu vue depuis Ozark), la surfeuse d’argent, qui va opérer un renversement moral à 180 degrés, dans le but de sauver l’humanité.
On se souvient des déclarations très dures de Martin Scorsese sur le MCU. Peut-être est-il permis de nuancer quelque peu son appréciation sévère. Si, en effet, les films Marvel n’ont donné aucun chef-d’oeuvre, le MCU n’est pas devenu pour autant le cimetière des navets, même si quelques films sont très oubliables. Il est sans doute l’équivalent actuel des péplums de la fin des années cinquante ou du début des années soixante, c’est-à-dire un immense cirque à grand spectacle destiné à détourner des plateformes ou chaînes de télévision et à maintenir, sinon ramener, des spectateurs dans les salles de cinéma. Certes aucun film de super-héros n’a attiré de grands metteurs en scène (hormis un certain Christopher Nolan), ce qui était pourtant le cas des péplums (entre autres Howard Hawks, Raoul Walsh, William Wyler, Nicholas Ray, Joseph L. Mankiewicz, etc.). En ce qui concerne les péplums, seuls John Ford, Alfred Hitchcock et Billy Wilder ont échappé à cette contrainte. Alors que le genre du film de super-héros devient de plus en plus décrié, Les Quatre Fantastiques : premiers pas prend le chemin d’une narration à l’ancienne, humble, modeste et visant directement au but.
RÉALISATEUR : Matt Shakman NATIONALITÉ : américaine GENRE : action, fantastique AVEC : Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Ebon-Moss Bachrach, Joseph Quinn, Julia Garner DURÉE : 1h55 DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France SORTIE LE 23 juillet 2025