Les poings desserrés : sortir de son trou

Remarquée en 2016 pour son premier long-métrage Sofichka, le moins que l’on puisse dire, c’est que Kira Kouvolenko a connu une ascension fulgurante. Invitée à Cannes pour cette édition 2021, la jeune réalisatrice russe propose avec Les poings desserrés un deuxième long-métrage retenu dans la sélection Un Certain Regard. Peut-être une distinction un peu trop hâtive pour la jeune femme, dont le film peine à décoller en l’absence d’une trame narrative compréhensible.

Dans une ville d’Ossétie, Ada vit avec son père et son frère, Dakko. Elle tient un petit magasin de friandises dans lequel se précipitent les enfants du coin, et où le jeune Tamik ne cesse de la séduire. Mais si Ada n’est pas insensible au charme du jeune homme, elle ne peut cependant pas se permettre de l’aimer : son père la surveille d’une main de fer, cherchant à tout prix à garder le contrôle sur elle. Quand le frère aîné de la famille, Akim, revient après des mois d’absence, Ada commence peu à peu à envisager la liberté – loin d’un traumatisme sourd qui, encore aujourd’hui, structure sa famille.

« Portrait raté d’une famille troublée, narration confuse de l’émancipation d’une jeune fille distante, Les Poings desserrés est un curieux choix pour la sélection Un Certain Regard, un film dans lequel l’écrasante majorité des partis pris esthétiques s’avère contre-productive et dont le récit échoue en permanence à créer de l’enjeu. Trop contemplatif et en retenue pour son propre bien, Kira Kovalenko propose un long-métrage qu’il vaudra mieux pour elle oublier, en espérant que son prochain lui permettra de rectifier le tir. »

Tout en ocre et en orange, la photographie et l’image sont probablement les seuls éléments qu’on retiendra du film. En effet, si les décors exceptionnels de la ville minière utilisées par la réalisatrice permettent au film d’avoir au moins un aspect visuel plaisant, c’est bien là l’un des seuls compliments que l’on peut lui faire. Car sur la majorité des autres plans, le film est un véritable naufrage. En l’absence d’une préparation narrative adéquate, le parti pris narratif de révéler tardivement et en retenue l’expérience traumatisante qui structure la famille d’Ada tombe totalement à l’eau, et rend la majorité du film complètement incohérente. La première moitié du film en devient proprement incompréhensible tant l’on a aucune idée de ce qui peut accabler Ada. La présence de la maladie de la jeune fille est tellement feinte et indiscernable qu’elle n’apparaît jamais comme un enjeu narratif cohérent, disparaissant derrière des querelles de famille qui ne font pourtant aucun sens pour un spectateur qui ne connaît pas la source de ces disputes. Par excès de retenue, la trame narrative de Les poings desserrés ne parvient donc jamais à faire sens, et le film se perd dans des scènes tentant de générer de l’empathie sans jamais y réussir.

Si l’interprétation des acteurs principaux reste tout à fait honorable, Les poings desserrés est cependant impossible à décrire autrement qu’un véritable échec, particulièrement regrettable pour une réalisatrice qui avait tout le matériau nécessaire pour faire un bon film. De bout en bout, chaque parti pris de narration ou de mise en scène fait l’effet d’un pétard mouillé, comme cette scène finale à l’effet contre-productif qui achève le film avec une tentative esthétique aussi vide de sens que le reste de sa narration. Échouant à la fois à dépeindre des relations familiales convaincantes et un personnage féminin clair et compréhensible, Les Poings desserrés est donc un film qu’il vaudra mieux oublier, en espérant que le jeune réalisatrice fournira avec son prochain long-métrage une proposition moins décevante.

Portrait raté d’une famille troublée, narration confuse de l’émancipation d’une jeune fille distante, Les Poings desserrés est un curieux choix pour la sélection Un Certain Regard, un film dans lequel l’écrasante majorité des partis pris esthétiques s’avère contre-productive et dont le récit échoue en permanence à créer de l’enjeu. Trop contemplatif et en retenue pour son propre bien, Kira Kovalenko propose un long-métrage qu’il vaudra mieux pour elle oublier, en espérant que son prochain lui permettra de rectifier le tir.

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RÉALISATEUR : Kira Kovalenko
NATIONALITÉ : Russe
AVEC : Milana Aguzarova, Alik Karaev, Soslan Khugaev
GENRE : Drame 
DURÉE : 1h36
DISTRIBUTEUR : ARP Sélection
SORTIE LE Prochainement