Les Miens : triste portrait de famille

Voici donc Les Miens, nouvelle œuvre de Roschdy Zem, qui revient derrière la caméra trois ans après Persona non grata. Nommé aux Césars pour Mauvaise foi et Omar m’a tuer, l’acteur français possède une solide expérience en matière de réalisation, ainsi qu’une riche filmographie. Pour ce long-métrage, sélectionné en compétition à la Mostra de Venise 2022, le metteur en scène dévoile une partie de sa vie, en racontant l’histoire de son frère victime d’un traumatisme crânien. En s’inspirant de cet événement médical, Roschdy Zem établit le portrait d’une famille marquée par la désunion et les désordres relationnels, décrivant alors une série de conflits familiaux importants. Pourtant, et ce malgré la présence d’un synopsis intéressant, Les Miens ne répond jamais aux diverses interrogations inhérentes à ce type de sujet sensible, à savoir comment affronter les blessures physiques d’un proche, le soutenir. Au contraire, le film prend la direction inverse, ne s’éloigne pas de la réalité vécue et dresse un état des lieux triste au possible, entre incommunicabilité et querelles existentielles inutiles.

Moussa, directeur financier accompli et père dévoué, se retrouve pris au piège d’un travail prenant et d’un divorce inévitable. Après un traumatisme crânien causé par une chute sur le trottoir, son caractère change subitement. Il se met alors à critiquer ouvertement les différents membres de sa famille. L’équilibre de ce système familial s’effondre progressivement, devenant instable.

Si la première intention de Roschdy Zem fut de réaliser un long-métrage traitant de la solidarité entre proches, autant dire qu’il n’atteint pas son objectif. En effet, le microcosme qu’il met ici en lumière n’est aucunement un bon exemple d’une fraternité incassable.

Le début du film introduit le personnage de Moussa, déprimé face à une situation conjugale complexe. En à peine quelques minutes, le scénario met en évidence ses failles psychologiques et cet incident survenu peu après une soirée alcoolisée. Cependant, l’apparition de cette blessure traumatique suffit à déséquilibrer un cocon familial déjà sérieusement affaibli par de nombreux désaccords. Lors d’une seule scène de repas, Roschdy Zem résume toute cette animosité ambiante, constituée de joutes verbales servant à critiquer les attitudes des uns et des autres. Dès lors, Les Miens développe un point de vue discutable, préférant dresser un tableau de famille d’une grande pauvreté, où les conflits priment sur les questions de santé et de solidarité. Le réalisateur ne prend pas assez de liberté par rapport aux faits réels. En se livrant à une description qu’il souhaitait réaliste, il enferme ses personnages dans une forme de caricature peu flatteuse. Moussa, incarné par un excellent Sami Bouajila, devient même d’une grande irascibilité, égratignant méchamment ses propres enfants. Sa fragilité physique est bien sûr une composante principale du scénario, qui s’en sert de prétexte pour expliciter un contexte relationnel morose. De ce fait, Les Miens devient une succession de passages maladroits, où les intérêts personnels dominent, où les divergences caractérielles s’imposent au détriment d’une union nécessaire. Tout ce petit monde se déchire, se dispute pour des raisons futiles, ignorant le plus important, la santé. Il semble également que Roschdy Zem ait délibérément choisi de raconter cette histoire sous le prisme de l’humour, mais la drôlerie injectée ne fonctionne pas. Pire, la caractérisation des personnages les rend involontairement antipathiques, à tel point qu’il est difficile de croire vraiment à ce récit aussi rocambolesque que surréaliste.

Mis à part un traitement erratique, le film soulève une problématique majeure, celui de l’individualisme ou de l’égoïsme. Ces deux notions restent souvent prégnantes, révèlent aussi des comportements destructeurs favorisant l’incommunicabilité. L’absence de communication engendre des situations inextricables, insolubles, menant la plupart du temps à des bouleversements. Le divorce de Moussa agit ici comme un déclencheur dynamitant les relations, à l’instar de Ryad (Roschdy Zem), en difficulté dans son couple miné par le manque de dialogue, d’attention, et d’écoute. Les Miens se transforme presque en une radiographie malaisante des rapports humains, diagnostiquant toute leur complexité. Au lieu d’une comédie douce-amère, nous voyons un drame fraternel où toute une famille se disloque à coups d’incompréhension et d’impassibilité. Cela crée quelques moments où la cacophonie verbale éteint toutes les émotions possibles, annihile toutes tentatives de sympathie et d’attachement envers les personnages. Le film mélange surement un peu trop de choses, et manque de consistance. La courte durée, 1 h 26, contribue nettement à un sentiment d’inachevé. Le montage créé un rythme qui s’emballe bien rapidement, laissant peu de place à une mise en scène posée permettant une bonne conduite du récit. Les acteurs donnent tout pour sauver l’ensemble, avec un minimum d’alchimie, mais l’extrême superficialité de leurs personnages ne les aide guère.

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RÉALISATEUR :   Roschdy Zem
NATIONALITÉ : France
AVEC : Roschdy Zem, Maiwenn, Sami Bouajila, Rachid Bouchareb
DURÉE : 1h26
DISTRIBUTEUR : Le Pacte
SORTIE LE 23 novembre 2022