Les Maudites : la transmission héréditaire du Mal

C’est le premier long-métrage au cinéma de son réalisateur espagnol qui a reçu au Festival du film fantastique de Gerardmer le prix de la critique. Le film se divise ainsi en deux parties. La première se situant à Madrid dans les années 2020 où la jeune étudiante Andréa communique à distance avec son petit ami Pau en séjour à Sidney en Australie. Jusqu’à ce que celle-ci découvre avec l’aide récalcitrante de ses parents adoptifs l’identité de sa mère, Marie, une française exilée en Argentine à La Plata où elle a été reconnue coupable et emprisonnée pour avoir tué une étudiante en cinéma, Camila. En même temps, sur les vidéos prises depuis son téléphone portable qu’elle envoie à Pau, elle voit tapie dans l’embrasure de la porte de sa chambre une ombre de forme humaine non identifiable et sent comme une présence quotidienne qui la suit partout où elle va. Est-elle en train de devenir folle comme sa mère adoptive lui dit que Marie, sa mère biologique, l’était? Ou bien est-elle victime d’une entité maléfique qui la pourchasserait jusque dans le monde réel?

Le démon prend progressivement forme, le visage d’abord à moitié caché pour entretenir un certain suspens, sous les traits d’un vieillard ridé vêtu d’un pardessus sombre. Mais il n’est discernable que via l’œil d’un appareil photo ou d’une caméra, celle de Camila justement qui suit Marie partout où elle va, pris d’une fascination subite pour elle – quelque peu artificielle d’ailleurs – et dont elle décide de faire son sujet d’étude pour le cours de cinéma qu’elle suit à l’université. Vous l’aurez compris: le film opère un flash-back et nous sommes dans la deuxième partie du film, vingt ans avant les évènements survenus à Andréa. Le démon apparaît sur les prises de vue que Camila a faites de Marie. Mais Marie semble ne s’apercevoir de rien. Les deux jeunes filles, à peu près du même âge, finissent par sympathiser.

Le film multiplie les points communs entre les deux parties et délivre le récit d’une histoire qui semble se répéter comme une malédiction héréditaire qui se transmet de mère à fille.

Le film multiplie les points communs entre les deux parties et délivre le récit d’une histoire qui semble se répéter comme une malédiction héréditaire qui se transmet de mère à fille. Car l’on apprend que la mère de Marie est morte suicidée. En outre, Andréa comme Camila ou Marie entendent le bruit de sanglots de femmes à l’intérieur de leur casque à l’approche d’un immeuble de résidence vide dont les appartements sont à vendre, même immeuble et même décor à Madrid qu’à La Plata, comme si le Mal défiait les limites spatio-temporelles pour user de son don d’ubiquité à l’égal de Dieu dont il est le versant opposé mais néanmoins symétrique.  Encore une fois, ce sont des instruments technologiques qui permettent de prendre conscience, ou de faire apparaître, les émanations du Mal dans ce sens qu’ils dépassent les capacités naturelles de l’être humain à percevoir son environnement.

Le réalisateur parvient à créer un trouble insaisissable chez le spectateur, aidé en cela par une mise en scène aux accents envoûtants – la caméra suit les déambulations de ses personnages féminins à travers les rues comme hypnotisée par leur comportement erratique, et filme des intérieurs sombres où peut apparaître à chaque instant le danger – et par des scènes chocs qu’il réserve à de rares moments soigneusement choisis. Le tout souligné par une bande-son aux harmonies inquiétantes qui nous maintient dans un état de tension permanente. Il est à noter en outre que la scénariste Isabel Peña, connue pour sa collaboration avec Rodrigo Sorogoyen (Madre, As Bestas) a très largement contribué à créer l’atmosphère de mystère qui imprègne le film. Un petit bijou à la lisière du fantastique et de l’horreur. A conseiller aux amateurs du genre comme aux autres.

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RÉALISATEUR : Pedro Martin-Calero
NATIONALITÉ :  Espagne, France
GENRE : Thriller, Epouvante, Horreur
AVEC : Ester Exposito, Mathilde Ollivier, Malena Villa
DURÉE : 1h47
DISTRIBUTEUR : Paname Distribution
SORTIE LE 21 mai 2025