Le premier long métrage de fiction de Jonathan Millet, présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2024, s’attaque à un sujet complexe : les douloureuses blessures liées à la guerre et à ses dégâts humains considérables. Dans ce film sensible, le cinéaste ravive les braises ardentes d’un passé qui jaillit dans le présent, avec ce récit de vengeance bien d’actualité qui oppose une victime à son bourreau.
Hamid est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau.
Jonathan Millet concocte un polar, sorte de duel à distance entre un jeune homme en deuil et un tortionnaire patenté.
Les Fantômes se rapproche de Marathon Man de John Schlesinger, qui raconte comment un criminel de guerre est rattrapé par ses antécédents meurtriers. Rien n’est sans danger, même des années plus tard, pour ce jeune Syrien exilé en France qui recherche celui qui lui a infligé les pires sévices en prison. À partir de ce postulat de base, Jonathan Millet tisse un scénario qui ressemble au jeu du chat et de la souris, entre observations, suspicions et espionnage. Toute la teneur de l’œuvre réside dans cet affrontement distant, avec tous les faits et gestes scrupuleusement épiés. Ainsi, le regard de la victime se dévoile face caméra. L’air vengeur et déterminé du jeune homme devient alors le principal générateur d’émotions. Les Fantômes se transforme en polar narrant une traque sans pitié, et réussit fort bien son objectif, celui de faire haïr ce bourreau dont les actes sauvages sont peu à peu évoqués, à l’aide d’un scénario cohérent, qui tient la route et contient une argumentation tranchante contre les tortures effectuées dans les prisons.
Les Fantômes développe remarquablement les effets dévastateurs de la violence de la guerre, tant sur le plan physique que mental, et ces traumatismes indicibles qui perdurent.
Souffrances psychiques, perte d’une famille, déracinement… Le parcours chaotique du personnage révèle comment le présent n’efface pas le passé, avec des plaies qui restent bien ouvertes. Ce désir d’en découdre se voit, se lit sur le visage, mais les expressions ne sont pas nécessaires pour comprendre le désarroi. Les Fantômes se compose de passages silencieux éloquents, et d’autres scènes où un groupe se réunit et fomente cette traque permanente. Le sujet du film, qui oppose la force à la faiblesse, cette opposition entre le gentil et le méchant, est un schéma récurrent dans le cinéma ; toutefois Les Fantômes réussit à faire pencher la balance du côté du bien. L’écriture n’élude pas que se venger ne résout pas les plus durs traumatismes. Jonathan Millet oppose la justice personnelle à celle des autorités. Toutefois, l’envie de voir le monstre tomber par terre se fait largement sentir, grâce à une mise en scène nerveuse. Polar sensoriel, assez magnétique par moments, ce long-métrage est une proposition audacieuse pleine de qualités.
RÉALISATEUR : Jonathan Millet NATIONALITÉ : Belgique, France, Allemagne GENRE : Drame AVEC : Adam Bessa, Tawfeek Barhom DURÉE : 1h46 DISTRIBUTEUR : Memento Distribution SORTIE LE 3 juillet 2024