Les Chroniques d’Hanna : retour sur Voyage avec mon père : un voyage père-fille au cœur d’un drame familial

Adapté du roman autobiographique Too Many Men (1999) de Lily Brett, Voyage avec mon père propose une excursion familiale qui se déroule moins dans l’espace que dans le temps — en direction de l’une des tragédies les plus sombres du XXe siècle en Europe, mais filtrée à travers le prisme d’un traumatisme personnel.

En 1991, peu après la mort de sa mère, Ruth Rothwax, une journaliste new-yorkaise d’âge mûr, entreprend un voyage en Pologne avec son père Edek, afin d’explorer le passé de ses parents survivants de la Shoah. D’abord motivée par le désir de découvrir une histoire familiale longtemps tue, Ruth se heurte rapidement à des obstacles — en premier lieu posés par son propre père, qui sabote le voyage dès le départ. Leurs visions très différentes du passé alimentent inévitablement des tensions. Comme dans tout road trip familial, les ruptures sont inévitables, mais ici, l’itinéraire mène à des rebondissements inédits et un crescendo émotionnel de grande intensité.

Comme dans tout road trip familial, les ruptures sont inévitables, mais ici, l’itinéraire mène à des rebondissements inédits et un crescendo émotionnel de grande intensité.

En tant qu’adaptation d’un roman salué, le film parvient avec assurance à poser tous les enjeux et dynamiques de l’intrigue, qui s’intensifient au fil du récit. Ce rythme soutenu garde le spectateur engagé tout en équilibrant les moments de forte émotion. Les deux personnages principaux offrent par ailleurs un duo père-fille peu conventionnel. Ruth, femme mûre et apparemment accomplie, ne se contente pas d’incarner un modèle de réussite féminine : elle est un personnage complexe, qui cherche peut-être dans l’histoire de ses parents des explications à ses propres échecs intimes. Edek, lui, obéit à une tout autre logique. Homme jovial dans les 70 ans, il n’a aucun intérêt à revisiter le passé ; il accompagne sa fille avant tout pour la présenter, fièrement, comme une femme accomplie dans son pays d’origine. Mais lui aussi, face aux révélations inévitables, réagit de manière très différente de sa fille. Cette dynamique entre deux personnalités contrastées, mais profondément humaines, rend le récit d’autant plus captivant, avec un équilibre subtil dans l’alternance des points de vue.

Cependant, le film échoue à véritablement résoudre les conflits intérieurs présentés au départ. Une décision importante semble reposer sur Ruth, mais elle n’est jamais clairement exprimée. Ainsi, un spectateur attentif, malgré les montagnes russes émotionnelles du film, ne manquera pas de remarquer que le conflit central demeure irrésolu. À la fin, les deux protagonistes savent davantage de choses qu’au commencement, mais cette prise de conscience semble insuffisante pour enclencher une réelle transformation.

En somme, Voyage avec mon père est un film profondément bienveillant, où les émotions prennent le pas sur les idées. Ce choix de ton s’avère pourtant particulièrement juste pour traiter de la douleur et du souvenir, et embarque le spectateur dans un voyage émotionnel dense et nuancé, durant près de deux heures.