Les Chroniques de Xavier : Incroyable mais vrai, autant en emporte le temps

Chaque nouveau film de Quentin Dupieux, chacune de ses fantaisies cinématographiques, est désormais attendu(e) par un public qui a eu tendance à s’élargir depuis Réalité (2015). Il faut aussi préciser que Mr. Oizo tourne beaucoup, à un rythme effréné : alors que les festivaliers cannois ont découvert sa nouvelle production en mai dernier, projetée en Séance de minuit, Fumer fait tousser, ce long métrage, intitulé Incroyable mais vrai et réalisé précédemment, sort en salles.

En principe, on identifiait dès le début un film de Dupieux : une situation hautement improbable, voire totalement décalée (c’est encore le cas dans Fumer fait tousser, par exemple), avec un ou plusieurs partis pris. Dans cet opus, les premières séquences commencent finalement comme une œuvre ordinaire et il faudra attendre quelques minutes pour découvrir ce que le titre annonce, à savoir une chose incroyable mais vraie. Comme souvent, l’intrigue est assez minimaliste : Alain et Marie (Alain Chabat et Léa Drucker, parfaits) un couple on ne peut plus banal, emménagent dans un pavillon, lequel possède une trappe située dans la cave qui va bouleverser leur existence.

Dès le début, en effet, le cinéaste inscrit ses personnages dans un cadre aux contours volontairement flous, usant de longues focales pour obtenir ce résultat, et donne une tonalité ouatée, cotonneuse qui brouille la temporalité (si bien qu’on se demande vraiment à quelle époque se déroule l’histoire).

Sur le plan technique, Dupieux travaille son image et il est vrai que cela peut d’emblée déconcerter. Dès le début, en effet, le cinéaste inscrit ses personnages dans un cadre aux contours volontairement flous, usant de longues focales pour obtenir ce résultat, et donne une tonalité ouatée, cotonneuse qui brouille la temporalité (si bien qu’on se demande vraiment à quelle époque se déroule l’histoire). Cet élément est à mettre en parallèle avec l’une des thématiques du film, le temps et sa relativité, illustrée par un conduit mystérieux (dont on ne dira rien de plus afin de ne pas gâcher le visionnage des spectateurs). Ainsi, sous des aspects légers et divertissants (une habitude chez lui), Dupieux nous livre une fable morale assez pertinente sur la société dans laquelle nous évoluons. En cela, Incroyable mais vrai peut se rapprocher de Fumer fait tousser, pour aboutir à un constat similaire : celui de la vacuité de notre époque.

A travers des portraits réjouissants et, il est vrai, un poil caricaturaux (mais n’est-ce pas le principe de la satire ou de la farce ?), le réalisateur aborde de nombreux points, auscultant à la façon d’un entomologiste les travers de notre société. Il livre non seulement par un travail astucieux de montage une réflexion sur le temps (une notion toute relative lorsqu’on connait bien la filmographie de Dupieux et son univers), mais aussi sur la vieillesse et le vieillissement, et la peur que cela peut entrainer chez certains protagonistes du récit : dans le couple principal, si Alain ne semble pas du tout y prêter attention, y opposant même une certaine résistance, sa femme Marie, au contraire, en est parfaitement consciente, voulant même y remédier. Il est donc question d’immortalité, de jeunesse éternelle et de cette quête assez vaine qui consiste à vouloir rester jeune à n’importe quel prix, même si c’est seulement en apparence. Et cette superficialité n’est qu’un leurre, nous dit l’auteur du film. Par ailleurs, ce dernier interroge aussi la masculinité, la virilité à travers le personnage incarné par Benoit Magimel (excellent une fois de plus), chef d’entreprise beauf dont l’unique sujet de conversation est le pénis électronique qu’il vient de se faire greffer. A la question légitime d’Alain, « mais pourquoi tu t’es fait greffer une bite électronique ? », son patron apportera comme seule réponse le culte de la performance, le contrôle total de sa sexualité, avouant pourtant que l’objet en question est très fortement ressemblant à l’anatomie réelle.

A ce titre, toute la dernière partie, dans laquelle les dialogues s’estompent au profit d’un récit quasi uniquement porté par les images, dévoile le vrai propos de Quentin Dupieux : sous la surface (une farce déjantée habituelle), perce un pessimisme, un regard grave sur l’humanité, sur notre époque, rendant le film étonnant à l’image des derniers plans.