Les Chroniques de Poulet Pou : retour sur Les Cinq Diables. Vaudou à Val Thorens

En voyant la bande-annonce, je me suis dit, Ah, mais c’est Vaudou à Val Thorens. Verdict, c’est un peu ça, mais pas que. Adèle — que je l’appelle ainsi, plutôt que par le prénom de son personnage, que j’ai plus ou moins oublié (Joanne, ou quelque chose comme ça), révèle à quel point l’actrice est devenue une star, une vraie —, Adèle donc est MNS à la piscine d’un bled alpin encerclé par des montagnes aussi imposantes qu’inquiétantes. Son mari d’origine sénégalaise est capitaine des pompiers, et ils ont une adorable petite fille qui s’appelle Vicky. Les enfants voient tout, dit-on, ce que le film énonce un peu différemment — ils sentent tout, et la chose sera prise au pied de la lettre. On dit aussi que la mémoire olfactive peut faire ressurgir de façon spectaculaire des souvenirs enfouis, ce que de même le film fait sien, en précipitant soudain l’enfant dans de fantasmagoriques failles spatio-temporelles.

Il y a Papa et Maman, et encore trois autres adultes qui gravitent autour de la petite fille. Le grand-père, la tante qui revient d’on ne sait où, et l’effrayante collègue au visage brûlé de Maman. Sont-ce là les cinq diables du titre ? À moins que ce soient les camarades de classe qui harcèlent cruellement la jeune héroïne. Le point de vue du film est diffus, on est à hauteur d’enfant, mais pas que. De nombreux plans omniscients marquent les esprits, et je me suis demandé s’ils n’étaient pas voulus pour que le spectateur y associe une image connue — comme Vicky avec ses bocaux de parfums. C’est peut-être uniquement dans ma tête, mais la montagne sinistre au début m’a fait penser à celle dans le Faust de Murnau, à tel point que je m’attendais à voir Satan apparaître à son sommet, pour déployer ses ailes. Ça a été presque ça, la caméra s’attarde ensuite sur le mur de la piscine, où est représenté un nageur pratiquant le papillon, le visage monstrueusement déformé par une grimace d’effort. Plus tard, la surface étale d’un lac évoque Shining, de même que les vues aériennes d’un véhicule filant sur la route, et les travellings depuis un caddie, le toit d’un taxi, ou celui d’un camion de pompiers (travellings qui m’ont aussi rappelé le célèbre plan filmé depuis l’intérieur d’un cercueil de Vampyr).

Je ne sais pas si le film se hisse à la hauteur de ces glorieux modèles, mais je l’ai trouvé plutôt pas mal. L’histoire avance par à-coups un peu artificiels, et les turpitudes qui relient secrètement les adultes entre eux sont éventées assez tôt, cependant malgré ça le film continue à captiver, tant on s’intéresse au sort des personnages, observés avec bonté par la réalisatrice, et incarnés avec conviction par les comédiens. Je dis conviction, ce qu’il y a de bien, c’est qu’ils conservent jusqu’au bout une certaine étrangeté, qui les dessine d’autant plus nettement. Je pense par exemple au père pompier, dont le flegme olympien en toutes circonstances est aussi improbable que porteur de vérité. Bref, j’y ai cru, j’ai été ému, et à la fin, je me suis plu à imaginer que les cartes avaient été redistribuées par une main bienveillante. Ainsi le mystère de la dernière image m’a-t-il fait l’effet d’un clin d’œil amusant plutôt que d’un funeste présage.