Les chroniques de Darko – Retour sur Put Your Soul on Your Hand and Walk: A l’ombre de la mort

Sélectionné par l’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) pour concourir au Festival de Cannes 2025 pour L’œil d’or – prix créé en 2015 qui attribue une récompense au meilleur documentaire – le film offre un regard direct sur Gaza durant la guerre toujours en cours qui y a lieu menée par l’armée israélienne contre le peuple palestinien. Ne pouvant se rendre directement sur place pour filmer, la réalisatrice réussit à obtenir, par le lien d’un ami commun, un contact avec Fatima Hassouna, une jeune gazaouie de 24 ans qui a pour particularité d’être photographe amateur et de prendre des clichés du drame en cours qui se déroule sous ses yeux, d’où le nom d’artiste qu’elle s’est choisie: Fatem.

Sepideh Farsi se sent une âme de mère pour Fatem, elle qui a quitté l’Iran pour des raisons politiques dès ses 18 ans – et n’y est jamais retourné – et vit actuellement en France mais voyage à travers le monde pour présenter ses films, et plus particulièrement The Siren (2023), le dernier avant son tournage. La très grande liberté qu’elle a acquise par son histoire tranche ainsi avec l’enfermement de Fatem au sein de la bande étroite de Gaza soumise aux bombardements israéliens. Les deux femmes communiquent par téléphone portable interposé en visioconférence. Les coupures et interruptions impromptues de la connexion témoignent symboliquement d’un enclavement irrémédiable du territoire envahi et pilonné par Tsahal. Et les questions portent entre autres bien sûr sur la manière qu’on peut avoir de survivre dans de telles conditions: manque de nourriture, d’eau, bombardements continus qui ne cessent de détruire et de tuer chaque jour.

L’évènement international prend une dimension intime où la peur de la mort frôlée à chaque instant se transforme en courage devant ce qui apparaît pourtant comme un désastre irrémédiable.

Ce qui frappe en premier lieu est le sourire et la bonne volonté qu’affiche continûment Fatem face aux questions qui lui sont posées, fière d’appartenir à un peuple qui ne se laisse pas abattre, qui résiste et résistera toujours, du moins veut-elle le croire. Mais l’on sent que ses facultés s’affaiblissent avec la faim et le traumatisme de la guerre et qu’elle entre peu à peu comme elle l’avoue elle-même, dans une phase de dépression. Et pourtant, elle continue par ses photos à documenter le drame de son pays. Photos d’enfants qui sourient ou qui posent fièrement, de vieillards abattus, de ruines et de décombres. Elles alternent avec les séquences de conversation au téléphone, illustrant le propos et en soulignant la vérité.

En arrière-plan, les images d’informations télévisées elles-mêmes filmées au téléphone ressassant les plans de bombardement des villes et des quartiers, de convois alimentaires bloquées, de cessez-le-feu repoussés, de discours génocidaires déterminés de la part du gouvernement israélien, et d’impuissance de la population gazaouie d’autre part. L’évènement international prend une dimension intime où la peur de la mort frôlée à chaque instant se transforme en courage devant ce qui apparaît pourtant comme un désastre irrémédiable. C’est l’histoire d’un pays qui s’effondre, d’une civilisation qui est en train d’être rayée de la carte au nom d’un colonialisme impitoyablement guerrier et comme surgi d’un autre âge. Fatem devait venir présenter le film à Cannes en mai 2025 aux côtés de sa réalisatrice. Un rendez-vous avorté.