Léon : un seul être vous manque, et tout est dépeuplé

Récompensé au Festival du Premier Film d’Annonay, Léon étudie la difficile gestion du deuil et ses conséquences directes sur l’équilibre familial. Le duo Andi Nachón et Papu Curotto parle de la mort qui provoque l’implosion d’un cocon et pose la question de la délicate reconstruction personnelle et professionnelle. De ces événements tragiques bien connus par beaucoup découle une œuvre prouvant que l’absence d’un être humain suffit à remodeler les schémas familiaux.

Julia vient de perdre sa compagne, Barby. Déchirée entre son chagrin et sa vie qui bascule, elle s’efforce de maintenir le restaurant qu’elles avaient fondé ensemble et le lien qui l’unit au fils de sa partenaire, Léón. Mais cette relation privilégiée est désormais menacée par une grand-mère obstinée et le retour inattendu d’un père absent.

Léon est surtout l’histoire d’une mère devant lutter contre le chagrin et continuer à vivre sa vie malgré tout.

Julia, cuisinière passionnée, tente de maintenir à flot le restaurant qu’elle a ouvert avec sa compagne décédée, Barby. Avec autant d’abnégation que de volonté, la jeune femme se met aux fourneaux pour contenter les papilles des clients. Derrière la passion qui l’anime se trouve la tristesse liée à la mort et le fait de devoir travailler dans un lieu qui rappelle tant de souvenirs. En utilisant le simple décor de ce commerce, le duo de cinéastes choisit d’étudier la lente reconstruction de la restauratrice et l’idée de vouloir continuer à gérer le travail en cuisine. Toutefois, le maniement des ustensiles n’efface pas le chagrin. Léon s’efforce à établir la description d’une famille un peu sclérosée par le deuil, mais qui décide de faire face avec vaillance et courage, en négligeant aucunement les quelques dissensions pouvant exister entre les membres de la sphère familiale, partagés entre tristesse, fatalisme et union solidaire. Ce petit restaurant sert de support pour mettre en scène les différentes manières de gérer le deuil, de cette Julia travaillant avec acharnement pour diluer sa peine à une belle-mère dévastée finissant par accepter la réalité. Andi Nachón et Papu Curotto décrivent les dégâts psychologiques, et dépeignent des personnages unis par leurs douleurs.

Ce qui fait la force de Léon est cette capacité à produire une histoire dramatique, sans verser dans le mélodramatique larmoyant.

Le scénario ne distille pas d’informations sur les causes de la mort, et se contente uniquement de filmer le présent. Même avec peu de choses, le récit réussit à fabriquer des émotions, tant il rappelle des situations tragiques vécues par tant d’autres. Entre le choc du décès, les obsèques et les cendres, tout est fait pour représenter les conséquences d’un deuil avec un certain réalisme, jusqu’à montrer comment celui-ci influence le quotidien et le futur. Surtout, Léon ne contient aucune lourdeur dramatique qui consisterait à faire pleurer à chaudes larmes, les émotions étant filmées avec sensibilité. Le seul élément de dramaturgie est la présence de l’urne. L’écriture se concentre principalement sur la guérison du traumatisme subi, via la remise sur pied de l’établissement culinaire. À l’intérieur, la vie suit son cours, entre la préparation des plats et le bruit des couverts, un climat que le duo derrière la caméra voulait reproduire afin de symboliser l’objectif de reconstruction et le fait de panser ses plaies. L’alchimie entre les personnages fonctionne bien, ainsi que la force de leurs unions pallie avec difficulté l’indicible désarroi. La durée du film est sans doute un peu trop courte pour traiter un thème de ce genre. Léon est, malgré cela, un premier film prometteur et touchant.

3.5

RÉALISATEUR : Andi Nachón, Papu Curotto  
NATIONALITÉ :  Argentine
GENRE : Drame
AVEC : Carla Crespo, Antonella Saldicco, Susana Pampin
DURÉE : 1h20
DISTRIBUTEUR : Outplay Films
SORTIE LE 26 juin 2024