Il s’agit du premier film que la réalisatrice Shih-Ching Tsou réalise en solo. Il est co-écrit avec Sean Baker (Palme d’Or à Cannes en 2024 avec Anora) dont elle a produit auparavant les films (Tangerine, The Florida Project et Red Rocket) y faisant également son apparition en tant qu’actrice. C’est donc une collaboration qui dure depuis une vingtaine d’années entre les deux cinéastes. Il faut dire que si la réalisatrice est née à Taiwan, elle réside aux Etats-Unis à New York. Le film a été présenté à Cannes cette année à la Semaine de la Critique où il a remporté le Prix de la Fondation GAN à la diffusion. Une mère, Shu-Fen, décide de déménager pour s’installer à Taipei avec ses deux filles, I-Ann, une vingtaine d’années, filiforme et s’habillant de manière moderne et osée, indépendante et effrontée, et I-Jing, à peine cinq ans, vive, innocente mais maligne et perspicace. Elle loue un emplacement au sein du marché nocturne de la ville pour y installer sa gargote. Mais la vie lui réserve bien des surprises et la petite famille va devoir se serrer les coudes pour se maintenir à flot.
I-Ann entretient une relation amoureuse avec le patron de la boutique où elle travaille, traversée d’orages tant la jeune fille est jalouse. Parallèlement, I-Jing se voit reprocher d’utiliser sa main gauche – elle est effectivement gauchère, d’où le titre du film – par son grand-père superstitieux : C’est la main du Mal. Et c’est parce qu’elle intègre cette croyance dans sa conscience qu’elle souffre de ce qu’elle considère désormais comme un handicap, prête à se séparer de son membre fautif. Elle en fera une excuse pour justifier ses chapardages aux rayons des boutiques du marché, des bricoles, rien de bien sérieux en fait. Mais c’est là sa première rencontre avec le concept du Mal dont la conscience comme inhérente à la personne humaine lui sera finalement révélée.
Le film nous entraîne dans une danse aux mouvements frénétiques, au rythme de la ville, où chacun se débat avec ses problèmes pour sortir la tête de l’eau et s’en tirer dignement
On suit la petite fille dans le dédale des ruelles sinueuses du marché, courant, virevoltant, caméra à hauteur du personnage de l »enfant, l’image chatoyant sous le reflet des néons et en général des couleurs diverses et variées du marché riche en sensations. Le rythme est vif, trépidant, et les séquences s’enchaînent à vitesse précipitée, comme prenant le pouls de la ville, son activité débordante, et s’attachant aux problèmes de la famille où l’argent et son manque – ou son apport – représentent une thématique prédominante dans le film. Shu-Fen va-t-elle réussir à survivre et pour cela rembourser la dette qu’elle doit à son propriétaire tout en refusant l’aide du bon Johnny – le camelot voisin de la cantine ouverte par la mère – qui vient amoureusement proposer ses services.
Comme un poids pèse sur la famille du début à la fin du drame tant Shu-Fen s’évertue à sauvegarder la paix et la sécurité au sein de son foyer. Mais les relations sont difficiles entre elle et sa mère, vieille femme fantasque qui doit bientôt fêter son soixantième anniversaire et qui trempe dans des magouilles avec l’immigration, car tout le monde cherche à s’en sortir, de manière plus ou moins régulière. Le film nous entraîne dans une danse aux mouvements frénétiques, au rythme de la ville, où chacun se débat avec ses problèmes pour sortir la tête de l’eau et s’en tirer dignement – même si cette dignité doit parfois être écornée. Un film qui nous prend dans son tourbillon et nous emporte avec lui.
RÉALISATEUR : Shih-Ching Tsou NATIONALITÉ : Taïwan, France, Etats-Unis, Grande-Bretagne GENRE : Drame AVEC : Janel Tsai, Nina Ye, Shi-Yuan Ma DURÉE : 1h48 DISTRIBUTEUR : Le Pacte SORTIE LE 17 septembre 2025