L’Effacement : le miroir aux alouettes

Une affiche réussie vous donnera envie d’aller voir le film sans même avoir lu le synopsis. En un coup d’œil, vous êtes plongés dans l’ambiance de l’œuvre, son genre, ses promesses figées en une seule image… Les études le prouvent : l’affiche influence notre perception émotionnelle, avant même d’entrer dans la salle. Mais la déception peut être d’autant plus grande… C’est peut-être l’effet que fait L’Effacement, du réalisateur algérien Karim Moussaoui : une belle promesse qui tient le premier quart d’heure du film, avant de se déliter comme un brouillon trop long.

Réda vit chez ses parents, dans une grande maison bourgeoise d’Alger. Réservé et obéissant face à un père imbu de sa réussite et écrasant, il voit son demi-frère fuir pour Paris tandis qu’il s’évertue à cocher les cases du “fils parfait algérien”. Un poste (plus ou moins factice) dans la grande entreprise d’hydrocarbures que le patriarche dirige, un mariage de raison, une année de service militaire à effectuer sans broncher. Mais Réda découvre la violence au campement, son père meurt et, peu à peu, son reflet dans le miroir disparaît.

Une belle promesse qui tient le premier quart d’heure du film, avant de se déliter comme un brouillon trop long.

Dès l’affiche, c’est lui qui nous attrape : ce fameux miroir, motif récurrent dans le fantastique et l’horreur, souvent associé à une perte d’identité, un pacte surnaturel ou une transformation… On pense aux vampires qui n’ont pas de reflet, au Horla de Maupassant ou encore aux scènes inquiétantes dans Black Swan. Dans L’Effacement, ce reflet disparu est celui de l’identité entière de Réda, annihilée par des années d’un carcan sociétal et familial étouffant. Le procédé filmique est intéressant : il crée notamment une scène puissante où Réda, terrorisé, dissimule tous les miroirs autour de lui. Malheureusement, le mécanisme décidé par le réalisateur n’est pas très clair, le reflet réapparaît alors que l’intrigue ne fait que monter en puissance jusqu’à une fin qu’on attendait plus ou moins… 

La mise en contexte de la vie de Reda, et notamment lors de la fête interdite organisée par le demi-frère DJ, plantent extrêmement bien le décor. Puis, la suite semble un enchaînement de lieux et de situations confus, avec des personnages secondaires finalement peu creusés et donc peu crédibles. Comme cette restauratrice, jouée par Zar Amir, dont s’éprend Réda en marge de sa vie qu’il ne maîtrise pas.

Le sujet était pourtant utile – dépeindre les dynamiques complexes de la société algérienne contemporaine, ses fractures intergénérationnelles, les rapports de classe – mais on se lasse rapidement du personnage trop mutique de Réda, et des ficelles un peu grosses du scénario. Comme ce ressort éculé : le fameux coup de téléphone qui aurait pu tout changer… suivez mon regard vers L’Amour ouf pour ne citer que celui-là ! Finalement, tout nous mène peu à peu à un dénouement plus gênant que grandiose. Une déception à la hauteur de la promesse initiale. 

RÉALISATEUR : Karim Moussaoui
NATIONALITÉ :  algérienne 
GENRE : drame
AVEC : Sammy Lechea, Zar Amir Ebrahimi, Hamid Amirouche 
DURÉE : 1h33 
DISTRIBUTEUR : Ad Vitam 
SORTIE LE 7 mai 2025