L’Echange : mon fils, ma bataille

A Los Angeles, en 1928. Christine Collins s’aperçoit un jour de la disparition de son fils Walter. Quelques mois plus tard, son fils réapparaît mais elle ne le reconnaît pas. Elle se lance dans une lutte sans merci dirigée contre les autorités municipales et la corruption policière, dans l’espoir de retrouver enfin son fils. La police décide de l’interner de force dans un hôpital psychiatrique… 

L’Echange, grand film malade, en dépit de ses imperfections, récapitule les thèmes eastwoodiens sous une nouvelle forme et montre que la rage du vieux lion contre le système ne s’est toujours pas éteinte.

A l’époque du tournage de L’Echange, Clint Eastwood avait déjà soixante dix-huit ans et s’offrait le luxe de se réinventer une nouvelle fois, en prenant le risque d’un film entièrement centré pour la première fois sur un personnage féminin. L’œuvre eastwoodienne s’est féminisée avec les personnages importants de Meryl Streep ou d’Hilary Swank dans Sur la route de Madison ou Million Dollar Baby mais il s’agit de la première fois que l’on y trouve une protagoniste féminine sans contrepoids masculin interprété par le metteur en scène. Jusqu’à ce jour, Eastwood n’a d’ailleurs pas réédité cette expérience.

Certes l’on retrouve dans L’Echange la figure de l’enfant disparu ou en danger, qui apparaît de manière récurrente dans l’oeuvre d’Eastwood : en particulier dans Un monde parfait, l’un de ses plus beaux films, et Mystic river, sélectionné à Cannes en 2003 et reparti bredouille. Cette thématique a ainsi inspiré les œuvres de Sean Penn (The Crossing guardThe Pledge) ainsi que le premier film de Ben Affleck, Gone baby gone. Dans la dernière partie de L’Echange, il traite également de la peine de mort, avec une efficacité répulsive digne du Kieslowski de Tu ne tueras point, déjà à l’œuvre dans le méconnu  Jugé coupable.

Le début fait pourtant un peu peur, avouons-le. Sur une musique très sentimentale, composée par Eastwood lui-même, la reconstitution des années 30 affiche ses couleurs d’époque et fleure bon la naphtaline. Angelina Jolie semble elle-même figée dans son rôle de mère affectueuse et n’affiche que deux expressions sur son visage : le sourire et l’angoisse et quasiment une seule réplique qui ne quittera plus votre mémoire, après la projection, tant elle aura été assénée: « where is my son? ».

Car le film commence réellement avec la disparition de l’enfant et surtout les retrouvailles de celui qui souhaite prendre sa place, imposteur trop peu ressemblant. La véritable couleur du film s’impose : ce sera le noir jusqu’à la fin. Eastwood, hors-la-loi de légende, confirme sa position par rapport aux institutions, mairie, police, médecine, en les critiquant et les remettant en cause, déjouant leurs mécanismes de substitution et de compensation, leurs petits jeux hypocrites, destinés à assurer la reproduction des élites. Seule la religion en la personne du révérend interprété de manière formidable par John Malkovich est épargnée sans doute parce qu’il s’agit de la seule personne qui croit de manière sincère en quelque chose.

Tout le système du pouvoir est ainsi démonté, faisant de L’Echange, en dépit de l’éloignement temporel, un véritable brûlot politique qui demeure, même aujourd’hui, d’actualité. Eastwood prend ainsi en bon cow-boy la défense des faibles et des opprimés, des femmes qui se faisaient interner de force par la police, à partir du moment où elles gênaient un représentant de l’ordre, des enfants qui se faisaient assassiner en toute impunité par un sadique ambigü, des prisonniers même coupables qui se faisaient pendre de manière inhumaine par l’appareil d’Etat. Dans les passages où les enfants meurent de peur devant leur tortionnaire, il retrouve même des accents de La Nuit du Chasseur, film mythique entre tous. 

L’Echange, grand film malade, en dépit de ses imperfections, récapitule les thèmes eastwoodiens sous une nouvelle forme et montre que la rage du vieux lion contre le système ne s’est toujours pas éteinte. Aujourd’hui, en le revoyant, il pâtit d’un trop grand cumul de thèmes dont un seul aurait suffi à un film normal: le combat d’une femme, le mal fait aux enfants, la critique de la peine de mort. Parfois, comme ici, le résultat n’est pas forcément égal à la somme des parties. Mais lorsque les parties demeurent tout aussi remarquables, il n’existe pas de raison valable de ne pas se laisser tenter. Eastwood y confirme son virage dramatique, profondément entamé avec Mystic River et Million Dollar Baby, mais saura par la suite mieux gérer son abondance de thèmes.

Pour la fiche technique, il vous suffit de compléter les informations (il ne faut pas appuyer sur les boutons affichés et laisser le champ « Main title » et le titre du second cadre vide). Pour la note, merci d’uniquement modifier le chiffre (1 à 5).

3.5

RÉALISATEUR : Clint Eastwood
NATIONALITÉ : américain
AVEC : Angelina Jolie, John Malkovich
GENRE : Drame
DURÉE : 2h21
DISTRIBUTEUR : Universal Pictures International France
SORTIE LE 12 novembre 2008