Le Système Victoria : les jeux du sexe et du travail

On avait découvert le talent de Sylvain Desclous grâce à La Campagne de France, documentaire insolite et rafraîchissant sur la vie politique locale française. On l’a retrouvé avec De Grandes espérances, donnant sans doute son meilleur rôle à ce jour à Rebecca Marder, en femme politique d’avenir, en proie à un drame imprévu qui va faire dérailler sa carrière annoncée. Après donc le documentaire et le scénario original, Sylvain Desclous s’attaque à l’adaptation d’un romancier particulièrement en vogue, Eric Reinhardt, avec Le Système Victoria, l’un de ses meilleurs romans sur la domination capitaliste et sexuelle du monde. Desclous en a fait une alternance entre séquences diurnes sur le chantier d’une immense tour, et nocturnes dans le milieu interlope du sexe et de l’échangisme, mettant ainsi en parallèle les rapports sexuels et ceux de pouvoir (en particulier économique).

Directeur de travaux, David est à la tête du chantier d’une grosse tour en construction à La Défense. Retards insurmontables, pressions incessantes et surmenage des équipes : il ne vit que dans l’urgence. Lorsqu’il croise le chemin de Victoria, ambitieuse DRH d’une multinationale, il est immédiatement séduit par son audace et sa liberté. Entre relation passionnelle et enjeux professionnels, David va se retrouver pris au piège d’un système qui le dépasse.

Le Système Victoria est donc un film un peu bancal qui tient moyennement sur ses fondations, en dépit de thématiques particulièrement porteuses.

Eric Reinhardt est un auteur a minima intéressant, dont le champ va du domaine économique à l’autofictionnel. Il a déjà connu les honneurs de l’adaptation avec L’Amour et les Forêts de Valérie Donzelli, sur l’emprise d’un pervers narcissique, film plutôt réussi. Par rapport au roman de Reinhardt, Desclous a opéré deux modifications majeures : l’âge de Victoria, ce qui induit ici un rapport de forces d’emblée inégalitaire, et la fin de l’histoire, que nous n’aurons pas l’outrecuidance de dévoiler. Si le changement de fin peut se justifier, on peut se demander si Desclous n’aurait pas dû essayer de réinventer le personnage de la femme fatale, plutôt que de le confier une nouvelle fois à Jeanne Balibar, un peu trop rompue à l’exercice. L’aspect de manipulation se perçoit un peu trop en raison de son interprétation, alors que le spectateur devrait davantage être confronté à ses doutes.

Il en ressort que la partie la plus intéressante du film n’est pas la partie érotique mais celle qui documente la progression du chantier de la tour, avec ses montées en pression, ses chantages à l’émotion (dans une scène significative, David se met à genoux devant ses ouvriers pour que le chantier soit terminé), les injonctions des supérieurs hiérarchiques, etc. Damien Bonnard se montre excellent dans ce registre de vulnérabilité, en directeur de travaux, hanté par le stress et les échéances à respecter.

Le Système Victoria est donc un film un peu bancal qui tient moyennement sur ses fondations, en dépit de thématiques particulièrement porteuses. Moins réussi que De Grandes espérances, ce nouveau film confirme néanmoins l’intérêt que Desclous porte à notre société qui va mal : après la politique, l’économique et le capitalistique

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RÉALISATEUR : Sylvain Desclous
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : drame
AVEC :  Damien Bonnard, Jeanne Balibar, Cédric Appietto
DURÉE : 1h41
DISTRIBUTEUR : The Jokers films 
SORTIE LE 5 mars 2025