Après le thriller (Le Grand jeu, en 2015) ou la comédie dramatique dans le milieu de la politique (Alice et le Maire, 2019), Nicolas Pariser s’attaque à la comédie d’espionnage avec Le Parfum vert, présenté en clôture de la Quinzaine des réalisateurs. Une œuvre qui confirme la place originale qu’occupe le jeune cinéaste dans le paysage du cinéma français.
Une œuvre qui confirme la place originale qu’occupe le jeune cinéaste dans le paysage du cinéma français.
Ce film met en scène un acteur de la Comédie-Française, Martin, qui est témoin du meurtre de l’un de ses camarades en pleine représentation. Ce dernier, avant de mourir, prononce des paroles étranges : « assassinat… parfum vert ». Quelques heures plus tard, Martin est enlevé par de mystérieux ravisseurs qui finissent par le libérer. Mais son absence l’a rendu suspect aux yeux de la police. C’est à ce moment là qu’il rencontre Claire, dessinatrice de BD farfelue, qui décide de l’accompagner dans son enquête.
La première qualité de cette œuvre réside dans le duo formé à l’écran par Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain. Ils forment une association qui fonctionne à merveille. Par la précision des dialogues et par le biais de répliques qui fusent, ils participent grandement à la séduction de cette œuvre pétillante qui offre des moments savoureux. La deuxième qualité provient du rythme enlevé qui n’est pas sans évoquer plusieurs références. On pense bien entendu d’abord à Hergé et Tintin (notamment les albums des années 30, pour être plus précis), pour l’aspect film d’aventures. C’est d’ailleurs dans ce sens que le réalisateur a donné ses indications à l’acteur principal, comme il l’a volontiers précisé lors de la présentation du film au Théâtre de la Croisette : par la construction même du récit très cartoonesque, mais aussi lorsque l’on voit surgir à l’écran 2 policiers quasi identiques et s’exprimant avec un décalage, évocation de Dupond et Dupont !
Au fur et à mesure que l’intrigue se développe (avec les thématiques de la manipulation et du complot qui semble dépasser les protagonistes), on pense inévitablement à la filmographie d’Alfred Hitchcock, La Mort aux trousses ou plus ouvertement à Une Femme disparait (1938). Le premier plan donne le ton : une femme blonde filmée de dos avec un chignon en spirale (référence assez explicite à Kim Novak dans Sueurs froides). Avec une légèreté et une fantaisie bienvenue, Nicolas Pariser se permet aussi de reprendre le fameux MacGuffin, ce fameux prétexte de développement scénaristique popularisé par le maitre du suspense (car finalement, l’arme secrète dont on parle, assez opaque, n’a que peu d’intérêt réel). Il est tout à fait possible également de penser à d’autres films de Lubitsch, à Charade de Stanley Donen ou au genre de la screwball comedy (« comédie loufoque »).
Parallèlement, le long métrage se permet dans le même temps de traiter d’un sujet mis en lumière par de multiples événements récents : l’antisémitisme en Europe
Parallèlement, le long métrage se permet de traiter d’un sujet mis en lumière par de multiples événements récents : l’antisémitisme en Europe. En effet, Martin et Claire sont juifs ashkénazes tendance parano. Et certains dialogues entre eux évoquent de manière audacieuse et assez étonnante le sort passé et présent réservé aux Juifs. Ainsi, dans le train qui les emmène en Hongrie, lorsqu’il voit par la fenêtre le panneau indiquant Nuremberg, en Allemagne, Martin se sent subitement mal et finit par avouer : « à chaque fois que je passe par l’Allemagne, j’ai l’impression qu’on m’emmène à Auschwitz ! »
Élégant dans sa mise en scène et Cluedo inspiré, Le Parfum vert possède un charme fou, sans temps morts, magistralement interprété par Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste qui voyagent au sein d’une Europe aux multiples dangers.
RÉALISATEUR : Nicolas Pariser NATIONALITÉ : Française AVEC : Sandrine Kiberlain, Vincent Lacoste, Rüdiger Vogler GENRE : Comédie d'espionnage loufoque DURÉE : 1h41 DISTRIBUTEUR : Diaphana Distribution SORTIE LE : 21 décembre 2022