Le mélange des genres : qui trop embrasse, mal étreint

Depuis Le Nom des gens, Michel Leclerc et sa compagne et coscénariste Baya Kasmi s’inspirent de l’air du temps. Aux débats politiques et idéologiques sur l’identité française, se sont substituées les polémiques sur le féminisme post-#MeToo et la libération de la parole. Dans Le Nom des gens, Leclerc avait touché juste, en faisant un portrait plus ou moins libre et fidèle de son couple, et en prenant pour point de départ, une situation rocambolesque, une fille de gauche couche avec des personnes de droite, afin de les convertir, ce qui lui a valu ainsi qu’à Baya Kasmi, le César du meilleur scénario original en 2011. Il tente d’appliquer la même recette en partant d’une situation également invraisemblable : une femme accuse de manière injustifiée de viol un homme « déconstruit ». Il en sort un film mitigé où les féministes sont caricaturées, les masculinistes généreusement épargnés et les porteurs d’une nouvelle forme de masculinité gentiment tournés en dérision.

Une policière, Simone, infiltre un collectif féministe qui pourrait être lié à une affaire de meurtre. D’abord rétive en raison de son conservatisme, elle est progressivement convaincue par leurs idées. Lorsque son identité risque d’être identifiée par les militantes, elle détourne l’attention en accusant de viol Paul, un homme pourtant lui-même féministe et a priori inoffensif.

Le Mélange des genres aurait dû être un Calmos inversé et ambitionnait peut-être de devenir la grande comédie de l’ère post-#MeToo. On peut encore l’attendre.

Le problème du film vient de son point de départ trop emberlificoté et idéologiquement très contestable. Si Leclerc prend comme base scénaristique une fausse accusation de viol, cela revient à accréditer la thèse d’absence de crédibilité des féministes en la matière. De plus, cette situation simple suffisait. Or Leclerc l’a compliquée d’un émetteur douteux : la féministe portant la fausse accusation n’est pas une vraie féministe mais une flic infiltrée dans un collectif féministe soupçonné de complicité de meurtre. Léa Drucker est ici égale à elle-même, assez peu crédible en flic aux idées conservatrices. Elle n’est d’ailleurs pas franchement aidée par des dialogues qui collectionnent les lieux communs.

De son côté, Benjamin Lavernhe hérite de la meilleure part du film, la description tendre d’un mâle déconstruit et presque lunaire qui se voit accuser à tort, injustement. Lavernhe y déploie toute sa palette de jeu, gommant tout affichage intempestif de virilité, et se trouvant à la limite extrême de l’efféminé. A travers lui, se posent les questionnements les plus intéressants du film : comment vivre cette nouvelle masculinité, sans la ressentir comme une émasculation ; comment être un « homme doux ». On remarquera que Leclerc se garde bien d’égratigner les masculinistes, la plupart des piques étant réservées aux féministes.

Le Mélange des genres allie donc d’un côté, une sorte de caricature et de l’autre, un portrait assez juste, ce qui produit un résultat assez mitigé. Desservant volontairement la cause féministe, il ne parvient pas à critiquer suffisamment le système patriarcal. Si l’on rajoute que, filmé comme un téléfilm, cette oeuvre ne contient pas de véritables idées de cinéma, hormis deux conversations en parallèle, idée empruntée à Made in USA de Godard. Signalons que dans sa pénultième séquence, les deux protagonistes se retrouvent dans la reproduction géante d’un vagin, rejoignant ainsi la fin de Calmos de Bertrand Blier, oeuvre affreusement misogyne. Certes il n’est guère possible de douter des intentions de Leclerc, se situant parfois trop dans tous ses autres films du côté du politiquement correct, mais il n’est pas impossible que l’inconscient masculiniste se soit ici exprimé. Le Mélange des genres aurait dû être un Calmos inversé et ambitionnait peut-être de devenir la grande comédie de l’ère post-#MeToo. On peut encore l’attendre.

2
2.5

RÉALISATEUR : Michel Leclerc
NATIONALITÉ :  française
GENRE : comédie 
AVEC : Léa Drucker, Benjamin Lavernhe, Judith Chemla, Julie Piaton, Vincent Elbaz
DURÉE : 1h 43 
DISTRIBUTEUR : Le Pacte 
SORTIE LE 16 avril 2025