Avec Le Lycéen, Christophe Honoré revient sur un passage sombre de son existence, à savoir la tragique disparition de son père lorsqu’il était adolescent. Ce thème fut auparavant abordé dans certains de ses romans, puis dans sa pièce de théâtre Le Ciel de Nantes. Il s’agit donc ici de la première fois où le réalisateur choisit de raconter cette histoire personnelle sur grand écran. « Je crois qu’au fond, on se lance toujours dans un film parce que quelqu’un nous manque, parce qu’on ressent un vide qu’on cherche à combler par un film », a-t-il déclaré lors d’une interview. Cette phrase prend tout son sens, lorsqu’on regarde ce récit faisant une analyse du deuil et de ses conséquences. Elle résume à elle seule toute la teneur dramatique de cette œuvre, qui nous montre un jeune lycéen tentant de surmonter difficilement sa peine. « Le récit repose sur l’état particulier qui fut le mien dans les mois qui ont suivi la disparition de mon père ». En effet, Le Lycéen propose une radiographie complète des mécanismes psychiques engendrés par le décès. Traité avec sincérité et vérité, le sujet nous renvoie à l’aspect le plus compliqué de nos vies, à ce thème de la mort provoquant de multiples traumatismes.
Lucas Ronis, lycéen, se retrouve confronté à la mort de son père, décédé dans des circonstances tragiques. Le jeune homme exprime sa lutte pour survivre et avancer malgré tout.
À travers son personnage principal, le cinéaste révèle une partie de sa personnalité, fragilisée par cette blessure terrible.
Trauma… voici le bon mot pour qualifier la tristesse et le désarroi de Christophe Honoré, face à cette horrible épreuve qu’il retranscrit parfaitement. Il évoque l’accident de voiture, l’onde de choc de cette nouvelle, une famille déstabilisée par ce drame soudain. Le premier quart d’heure, émouvant, décrit un système familial ébranlé par cette mort qui vient tout chambouler. La perte d’un être cher, le poids de la tragédie… Autant de sentiments négatifs et compréhensibles s’entremêlent. Bien sûr, nous ne pouvons que comprendre cette avalanche d’émotions rappelant d’inéluctables réalités. Le film possède une entame simple, mais efficace, attaquant frontalement son sujet. Il nous présente alors un jeune adolescent bouleversé et fragile. Reflétant l’âme perturbée de Christophe Honoré dans sa jeunesse, Lucas (Paul Kircher) personnifie le déséquilibre psychologique. En faisant de ce jeune lycéen le principal narrateur de son film, le cinéaste développe une profonde réflexion sur la mort et l’absence d’un parent. Peu de choses sont dites sur ce père. Cependant, les bouleversements provoqués par ce décès en disent long sur l’influence de cette figure paternelle désormais manquante. L’hommage se ressent à travers les dialogues, les pleurs, les états dépressifs, le sentiment de ne pas avoir suffisamment exprimé l’attachement. Le cinéaste explique ses regrets, ses amertumes, son incommunicabilité, sa culpabilité par rapport à sa distance émotionnelle.
Le scénario propose alors une argumentation racontant comment le metteur en scène a vécu cette période troublée. D’abord, il démontre l’impact d’un tel drame survenant en pleine phase adolescente, synonyme de construction, et où le manque de repères parentaux peut s’avérer néfaste. Le jeune homme doit combattre sa dépression et gérer les difficultés liées à cette tragédie. L’évocation du mal-être passe inévitablement par la représentation d’un geste désespéré symbolisant le désordre mental subi. Comme issue, Lucas cherche du réconfort dans la recherche de sa préférence sexuelle, ses relations lui permettant de combler une affection inexistante. Tout ceci, significatif d’une perte de contrôle, résulte d’une volonté de trouver une solution à ces souffrances. Rien ne peut remplacer, ni effacer la douleur du traumatisme. L’équilibre de ce cocon familial se retrouve brisé à jamais. Le Lycéen le décrit fort bien, avec une Juliette Binoche jouant une mère dépressive, et Vincent Lacoste un frère surmontant son chagrin en travaillant avec acharnement.
Le Lycéen se structure de la façon suivante. Les premiers plans se fixent sur le visage de ce jeune homme prenant la parole devant un auditoire. Le récit s’articule ensuite autour de ce discours. Devant un fond noir, Lucas se livre à un témoignage touchant. Ce choix de mise en scène permet la mise en lumière de quelques confessions personnelles. Christophe Honoré utilise ce procédé pour mettre des mots sur ses pensées qui le rongent depuis des années. La voix off de Paul Kircher anime le récit, associe le poids du texte au choc des images. Ainsi, la présence fantomatique de ce défunt père nous accompagne durant tout ce long-métrage. « Je me suis envisagé comme un « reflet » de mon père, je me suis dit que dans ma voix, mon regard, la manière dont je bouge, la présence de mon père subsistait. J’ai assumé que j’étais le fantôme de mon père ». En effet, Le Lycéen prouve que la mémoire de ce père reste ancrée au plus profond de l’âme du cinéaste.
RÉALISATEUR : Christophe Honoré NATIONALITÉ : francaise AVEC : Paul Kircher, Vincent Lacoste, Juliette Binoche GENRE : Drame DURÉE : 2h02 DISTRIBUTEUR : Memento Distribution SORTIE LE 30 novembre 2022