Septembre 1792, le roi se dépouille : la Révolution Française signe la fin de huit siècles de monarchie. Quelques mois plus tard, au début de la nouvelle année, les têtes du couple royal tombent. Avec Le Déluge, le réalisateur italien Gianluca Jodice s’intéresse aux derniers instants du dernier roi de l’Ancien Régime, Louis XVI, et de sa célèbre femme, Marie-Antoinette. Une façon d’ausculter la fin d’un temps, la dislocation d’un monde, par le prisme de ces ultimes représentants. Et au centre de ce déluge, un drame intime : celui d’une famille qui se décompose. Un film sensible, incarné et minimaliste, tout en finesse.
En août 1792, la famille royale est incarcérée au donjon de la Tour du Temple. Des centaines de gardes se relaient pour surveiller Louis XVI et Marie-Antoinette. Dans les mois qui suivent, la monarchie tombe et le roi est condamné à mort. Pour le couple royal, c’est un véritable déluge : alors qu’un nouveau monde naît, le leur s’écroule.
Un film sensible, incarné et minimaliste, tout en finesse.
Enfermé dans un long couloir fastueux, Louis XVI et Marie-Antoinette se préparent : ils enfilent les habits royaux, se maquillent. Avec rigueur et solennité, les époux se rapprochent, ils sont prêts. Ce sont deux statues dans un musée, des figures vivantes qui appartiennent à une période révolue, les ultimes avatars d’un pouvoir qui n’a jamais imaginé sa fin. Au bord du précipice, le couple continue son cérémonial : la monarchie défaite résiste dans un jeu de dupes. Construit en trois temps (les Dieux, les hommes, les morts), le film suit le dépouillement du roi, de monarque divin à simple citoyen. De l’opulence à la promiscuité, il n’y a qu’un pas pour Louis XVI et sa famille. Face à la marche du temps, il fait bonne mine, contrairement à Marie-Antoinette, résolue à se battre contre l’évidence. Au fil des semaines et des humiliations, la royauté s’évapore, l’humilité apparaît. Vivre comme tout le monde, est-ce encore possible ? Un monarque désavoué peut-il devenir un citoyen ? Si l’ancien roi paraît déboussolé, quelque part fuyant, ce n’est qu’une apparence : il sait au fond de lui ce qui se trame. Sa femme aussi, mais il lui est plus difficile d’accepter son destin. Lorsque Marie-Antoinette apprend le sort réservé à son mari, l’émotion l’emporte, les larmes coulent, les cris s’échappent. Derrière une porte en verre, des députés assistent à la scène : est-ce une tentative désespérée d’émouvoir ou un cri du cœur ? Dans les deux cas, plus qu’à l’histoire, ils assistent à la fin d’une famille.
Le film de Gianluca Jodice humanise sans faire fi du passé, Le Déluge tente d’atteindre l’essentiel : ce qui se cache derrière les ornements. Comment le torrent de l’histoire peut déshabiller les êtres et comment nous survivons dans un monde en pleine mutation. Une transformation qui touche tout le monde : le pouvoir change de main, les rôles aussi. C’est une pièce de théâtre à ciel ouvert où chacun doit trouver sa place, en accord avec soi. La réalisation fait vivre ces mouvements : aux plans fixes et construits des premiers instants succède une caméra portée dans la deuxième partie du film, plus éprouvante. La magnifique photographie du film, froide et esthétique, s’accorde très bien avec la bande originale de Fabio Massimo Capogrosso, aussi élégante que pertinente. Le roi est mort, vive la République !
RÉALISATEUR : Gianluca Jodice NATIONALITÉ : France, Italie GENRE : Drame, historique AVEC : Guillaume Canet, Mélanie Laurent, Aurore Broutin DURÉE : 1h41 DISTRIBUTEUR : Memento Distribution SORTIE LE 25 décembre 2024