Phénomène littéraire au Japon, Le Chateau solitaire dans le miroir s’offre un passage par la case cinéma grâce au cinéaste Keiichi Hara, à l’origine déjà d’une autre adaptation d’un roman jeunesse en 2019 avec Wonderland, le Royaume sans Pluie. Quelque part entre le conte fantastique et le récit social, le film d’animation surprend par la gravité de son propos et la singularité de son traitement. Une œuvre tout en retenue, émouvante et apaisée, sur le harcèlement et la phobie scolaire, avec comme lieu de thérapie, ce drôle de château nichée sur un rocher solitaire.
Le pas timide, Kokoro descend les marches et retrouve sa mère : l’adolescente ne se sent pas de retourner au collège. Quelques heures plus tard, seule dans la maison, elle constate que le miroir de sa chambre scintille. Curieuse, elle s’approche et touche le verre : son corps est immédiatement happé, elle apparaît comme par magie dans un immense château. Une jeune fille portant un masque de loup lui explique qu’elle peut réaliser le souhait de son choix, mais pour ça, il faut qu’elle perce un mystère. Ce défi, elle le partage avec six autres adolescents. Durant un an, ils vont apprendre à se connaître dans cet étrange lieu où la seule règle à respecter est de ne pas rester passée une certaine heure…
Le Chateau solitaire dans le miroir ne vise pas le spectaculaire : il tente surtout d’aborder un sujet difficile, en évitant de tomber dans le pathos ou les réflexions pompeuses.
Tiré du roman de l’autrice japonaise Mizuki Tsujimura, Le Chateau solitaire dans le miroir dresse le portrait d’une jeunesse mal dans sa peau, incomprise et fragilisée par des rapports sociaux douloureux. Face au harcèlement de l’une de ses camarades, Kokoro se retranche dans son intimité, loin de sa persécutrice et de ses acolytes. Le collège, lieu d’intégration et de sociabilisation, l’effraie : au bout du bout, sa phobie scolaire l’isole. Puis apparaît ce château solitaire située au beau milieu d’une mer infinie. Un étrange havre de paix, insensible à la marche du temps. Pourtant, il y est bien question de temps : l’accès au château est autorisé durant un an. De plus, pour une question de vie ou de mort, il faut impérativement quitter les lieux avant une certaine heure. Au fil des jours et mois, les adolescents discutent, s’amusent et se découvrent. Un groupe unit par un lieu et un défi commun. Lorsque les langues se délient, ils comprennent qu’ils ne sont peut-être pas là par hasard. Et si le véritable défi était de se reconstruire et d’apprendre à faire confiance ?
Apaisé, le film donne avant tout la parole aux victimes de harcèlement et de violence. Outre quelques rares scènes énergiques, Le Chateau solitaire dans le miroir ne vise pas le spectaculaire : il tente surtout d’aborder un sujet difficile, en évitant de tomber dans le pathos ou les réflexions pompeuses. Si malgré sa durée de presque deux heures, le film ne parvient pas toujours à exprimer tout le potentiel de ses nombreux personnages, ça ne l’empêche pas de bien caractériser les différents membres de la troupe. Avec eux, le château ressemble à une sorte d’expérimentation sociale, un lieu métaphorique lourd de sens. Du miroir – regard, symbole de l’image et de la connaissance, à la gigantesque demeure, à la fois refuge et cellule, le récit regorge de signifiants. Plus largement, l’œuvre tente de montrer à quel point la frontière entre victime et auteur est parfois poreuse, et la difficulté de trouver une solution, sans sous-estimer ou réduire le problème. Une singulière chronique sociale donc, au style graphique soigné et à l’ambiance envoûtante.
RÉALISATEUR : Keiichi Hara NATIONALITÉ : Japon GENRE : Animation, drame DURÉE : 1h56 DISTRIBUTEUR : Eurozoom SORTIE LE 6 septembre 2023