Le cercle des neiges : l’enfer blanc

Du réalisme poignant de The Impossible (2012) au grand spectacle de Jurassic World: Fallen Kingdom (2018) en passant par la poésie macabre de Quelques minutes après minuit (2016), Juan Antonio Bayona s’est construit une filmographie éclectique et fascinante. Son dernier film, Le Cercle des neiges, adapté du livre éponyme de Pablo Vierci publié en 2009, retrace les terribles événements qui ont suivi le crash d’un avion uruguayen dans les Andes en 1972. C’est la cinquième adaptation de ce drame après notamment Les Survivants de Frank Marshall sorti en 1993.

Bayona a voulu être le plus fidèle possible à cette tragique histoire vraie dans laquelle les survivants du crash, confrontés au froid intense et surtout à la faim, ont pris la difficile décision de recourir au cannibalisme pour assurer leur survie. Ce n’est qu’au bout de deux longs mois de lutte contre les éléments, et grâce à l’expédition de deux courageux partis chercher de l’aide sur plus de 37 miles, qu’ils ont enfin été secourus.

Bayona réussit à embrasser la subjectivité de son travail, capturant les bribes d’un temps suspendu où la voix des vivants se mêle à celle des morts.

Revenant à sa langue maternelle, Bayona revisite ce fait divers des années 1970 avec une approche universelle presque mythologique. Alors que les survivants cherchent un sens à la mort de leurs amis, le film explore une nouvelle forme de spiritualité, émergeant dans un territoire abandonné de tous, y compris de Dieu. La survie devient alors un enjeu spirituel plutôt qu’un simple instinct primaire. La compassion transcende la nature humaine, chacun étant prêt à se sacrifier pour le bien du groupe.

La mise en scène viscérale de Bayona plonge le spectateur dans un environnement inhospitalier où la mort est omniprésente et où le temps semble s’être arrêté. Le cannibalisme, inextricablement lié à cette histoire, est traité avec finesse, explorant en profondeur les débats moraux entourant cette extrémité inimaginable. Par son aspect immersif, le film incite le spectateur à opérer une introspection similaire. Le cercle des neiges se confronte à la dureté de son sujet et ses questionnements moraux sans jamais sombrer dans le sensationnalisme.

Bayona, conscient des fantasmes entourant ce fait divers très médiatisé, aborde la question de l’impossible reconstitution d’un événement traumatique avec une très grande justesse. Le réalisateur réussit à embrasser la subjectivité de son travail, capturant les bribes d’un temps suspendu où la voix des vivants se mêle à celle des morts. Le Cercle des neiges met en scène le collectif comme véritable personnage principal, un collectif qui lui seul connaît la vérité sur ce qui s’est déroulé dans ces montagnes, la fiction ne pouvant fatalement que l’effleurer. 

Malgré quelques longueurs et une certaine prévisibilité, Bayona maintient une tension intense tout au long de son récit, alternant entre moments intimes, séquences épiques et contemplations poétiques. Le film se distingue par deux scènes remarquables : le crash, d’un réalisme saisissant, et la première scène de cannibalisme, traitée avec une humanité salvatrice. Le Cercle des neiges va au-delà du simple devoir de mémoire et offre une expérience cinématographique bouleversante mettant en lumière la beauté de la résilience et la victoire du collectif sur l’individualisme.

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RÉALISATEUR : Juan Antonio Bayona
NATIONALITÉ : Hispano-uruguayen
GENRE : Drame historique
AVEC : Enzo Vogrincic, Matías Recalt, Agustín Pardella, Tomás Wolf,  Diego Vegezzi, Esteban Kukuriczka, Francisco Romero...
DURÉE : 2h24
DIFFUSEUR : Netflix
SORTIE LE 4 janvier 2024