Après la génération Scorsese-De Palma-Spielberg, l’horizon du cinéma américain de genre (surtout indépendant) s’est focalisé sur la filmographie des frères Coen et de Quentin Tarantino, dominant assez incontestablement les années 90. Né en 1988, Francis Galluppi vient directement du cinéma de ces années-là. A 37 ans, après quelques courts métrages et clips où coulait déjà l’hémoglobine, il sort enfin son premier film, Last stop : Yuma County, couronné par le Prix du Public au Festival Reims Polar,
Dans les années 1970, dans le comté de Yuma en Arizona. Au milieu du désert brûlant d’Arizona, une station-service se retrouve à sec. Dans le diner attenant, les clients attendent dans une ambiance étouffante l’arrivée du camion-citerne pour les ravitailler. Ils pensent que le pire, c’est la chaleur, mais c’est sans compter sur l’arrivée de deux braqueurs en cavale dans le restaurant…
synchrone avec les températures étouffantes de l’été, Last stop : Yuma County est plutôt un bon western-polar de derrière les fagots, qui ne déçoit pas le temps de la projection
Dès le début du film, Galluppi ne cache pas son tropisme coenien-tarantinien : une bande d’Américains plus que moyens, plutôt bas du front (le côté Coen, cf. Fargo ou No country for old men), coincés dans un lieu clos (l’aspect Tarantino, cf. Reservoir dogs ou Les Huit Salopards), un diner de station-service, lieu commun, dans tous les sens du terme, de l’Amérique profonde. Tant qu’à copier, autant copier les meilleurs. Avouons qu’à ce petit jeu, Francis Galluppi s’avère très habile : mise en scène précise et parfaitement découpée, renversements de situation, aptitude à faire monter une tension savamment entretenue. Last stop : Yuma County s’avère une petite série B très réussie, mitonnée aux petits oignons pour les amateurs de « sang pour sang ».
Tout y est en effet : les braqueurs qui fonctionnent en duo (comme le tandem de tueurs de Fargo), l’adjoint, jeune et maladroit, du shérif, deux retraités qui viennent prendre l’air, deux jeunes qui s’imaginent en tueurs à la Bonnie et Clyde, le gardien de la station-service, la serveuse, femme du shérif, etc. Hormis les deux jeunes qui pourraient dessiner une issue différente au film, héritée de La Balade sauvage de Terrence Malick, ouvertement citée, la physionomie du chef braqueur évoque de manière si mimétique celle de personnages des Coen, que l’exercice de style est clairement revendiqué. Il ne manque plus qu’à la fin les dollars s’envolant au gré du vent pour que Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston ne pointe le bout de son nez, comme ultime référence.
Par conséquent, synchrone avec les températures étouffantes de l’été, Last stop : Yuma County est plutôt un bon western-polar de derrière les fagots, qui ne déçoit pas le temps de la projection mais se laisse progressivement oublier. Néanmoins Francis Galluppi deviendra peut-être un cinéaste prometteur, s’il échappe à son bain amniotique et nostalgique de références qui finissent par étouffer son projet.
RÉALISATEUR : Francis Galluppi NATIONALITÉ : américaine GENRE : western, polar AVEC : Jim Cummings (II), Faizon Love, Jocelin Donahue DURÉE : 1h30 DISTRIBUTEUR : The Jokers Films SORTIE LE 6 août 2025