L’Amour qu’il nous reste : un voyage au cœur du quotidien et de l’intime

En 2022, le cinéaste Hlynur Pálmason avait enchanté la Croisette avec Godland. Ce récit d’un voyage quasi métaphysique d’un jeune prêtre danois à la fin du XIXe siècle en Islande dans le but de construire une église et de photographier la population était remarquablement réalisé. Son quatrième long métrage, L’Amour qu’il nous reste, séduit une fois encore mais dans un tout autre registre, celui du portrait impressionniste (par petites touches) d’une famille en plein divorce.

Le film met en scène la trajectoire intime d’une famille dont les parents se séparent. En l’espace d’une année, entre légèreté de l’instant et profondeur des sentiments, se tisse un portrait doux-amer de l’amour, traversé de fragments tendres, joyeux, parfois mélancoliques. Un regard sensible sur la beauté discrète du quotidien et le flot des souvenirs qui s’égrènent au rythme des saisons.

Pálmason réalise un film à la douce mélodie, tantôt sonate de printemps, tantôt sonate d’hiver, dans lequel il laisse une part très importante aux paysages islandais

La grande force du long métrage est de faire passer beaucoup de choses à travers un canevas relativement mince, une histoire quelque peu ordinaire d’une famille islandaise, un quotidien somme toute banal (un couple séparé mais que le père, pêcheur en haute mer, tente de reformer, les activités artistiques de la mère, les jeux des enfants). Pour autant, L’Amour qu’il nous reste n’est ni un film vide, loin de là, ni une œuvre vaine. Choisissant le rythme des saisons comme fil conducteur de son récit, lui donnant ainsi une forme assez peu narrative, du moins au sens classique du terme, mais subtilement symbolique (que l’on songe à cette belle séquence d’ouverture, la destruction du toit d’une maison individuelle, illustration de ce à quoi le spectateur va assister), Pálmason réalise un film à la douce mélodie, tantôt sonate de printemps, tantôt sonate d’hiver, dans lequel il laisse une part très importante aux paysages islandais, personnage à part entière de cette chronique : on retrouve, comme dans Godland, un sens aiguisé de l’observation de la nature (qui devient une sorte de miroir des émotions qui travaillent le film), un sens esthétique indéniable et peu commun dans ce genre de production.

De la même manière, Pálmason se montre très à l’aise dans les digressions dont il parsème son récit et qui feraient presque basculer le long métrage dans le fantastique, voire le surréalisme

Le résultat à l’écran est vraiment très beau, délicat et poétique, et parfois même hilarant. En effet, si L’Amour qu’il nous reste ausculte à sa manière la société islandaise (notamment dans ce qui se joue à l’intérieur du couple, dans les rapports femmes-hommes, leur place respective), il ne se prive pas de moments cocasses, à l’image des échanges entre la mère artiste et un directeur de galerie dont le sort qui lui est réservé, au terme de la journée, est pour le moins inattendu ou des rapports entre les enfants. Ce qui donne une certaine distance et un côté étonnant à l’ensemble. De la même manière, Pálmason se montre très à l’aise dans les digressions dont il parsème son récit et qui feraient presque basculer le long métrage dans le fantastique, voire le surréalisme : l’épouvantail en paille avec lequel jouent les enfants finit par prendre vie, tel un chevalier tout droit sorti d’une œuvre des Monty Python, le coq tué (assez difficilement) par le père qui devient immense et rentre dans la maison pour se venger. Scènes jubilatoires qui convoquent tout un imaginaire lié notamment aux trucages de cinéma.

Il en résulte un film certes atypique mais profondément attachant, marqué par une tendresse de chaque instant pour chacun de ses personnages

Il en résulte un film certes atypique mais profondément attachant, marqué par une tendresse de chaque instant pour chacun de ses personnages, ce qui n‘exclut pas une certaine lucidité ainsi qu’une réelle mélancolie : en ce sens, si on suit la fin d’un couple, une adaptation, une mutation de la cellule familiale, le tragique ne l’emporte pas, et la vie continue.

Une belle expérience de cinéma qui confirme la singularité de ce cinéaste islandais, la pertinence de son regard (sur le genre humain mais aussi sur les espaces naturels) tout comme l’élégance de sa mise en scène.

4

RÉALISATEUR : Hlynur Pálmason
NATIONALITÉ :  Islande, Danemark, Suède, France  
GENRE : Comédie dramatique
AVEC : Saga Garðarsdóttir, Sverrir Gudnason, Ída Mekkín Hlynsdóttir
DURÉE : 1h49
DISTRIBUTEUR :  Jour2fête
SORTIE LE 17 décembre 2025