Lorsqu’une discothèque de Bucarest brûle en 2015, c’est tout le pays qui s’embrase : de nombreuses victimes meurent dans les hôpitaux des suites de blessures qui n’auraient pas dû mettre leur vie en danger. Des doigts accusateurs se mettent à pointer la responsabilité des établissements hospitaliers dans ces étranges décès. Dans un climat de défiance vis-à-vis de la classe politique roumaine, de nombreuses langues se délient. La révolution collective est en marche. Un documentaire puissant et éminemment actuel à l’heure de la crise sanitaire mondiale.
Le 30 octobre 2015, un incendie s’est déclaré dans la discothèque Colectiv à Bucarest, capitale de la Roumanie. Face à l’absence d’une sortie de secours, la centaine de personnes présentes dans le bâtiment a dû s’enfuir par la porte principale. Si le club possédait bien un extincteur, il était toutefois insuffisant pour reprendre le contrôle de la situation. 26 personnes ont perdues la vie sur place, les blessés ont été transportés dans des hôpitaux roumains ou étrangers. Bien qu’insistant sur la qualité des soins, allant jusqu’à promettre un niveau égal à celui de l’Allemagne, les autorités ont néanmoins fait face à de nombreux décès dans les hôpitaux. La vérité éclate dans une gazette sportive : le système de santé est corrompu jusqu’à la moelle. Le prémisse d’un véritable scandale d’état.
Dès les premières séquences du documentaire, le cinéaste germano-roumain Alexander Nanau bouscule nos sensibilités en nous immergeant avec force dans l’après-Colectiv. L’émotion des familles est palpable, la colère et l’incompréhension également. Un instant plus tard, un chanteur s’époumone sur une scène lors d’un concert de métal. La musique se termine, une petite lueur apparaît dans le plafond : un feu commence à prendre. Une minute plus tard, les cris se superposent, la fumée s’empare de la pièce, le chaos est complet. La situation est tellement intense qu’elle semble surréaliste. C’est dans ces rares moments d’émotion qu’apparaît quelque part le réalisateur. Si Alexander Nanau est partout sur le terrain, il brille paradoxalement aussi par son absence : aucune voix-off, aucun tête-à-tête avec la caméra, il existe avant tout par sa volonté souveraine de capter en direct les évolutions du scandale.
L’enquête, haletante et pleine de rebondissements, nous emmène dans une rédaction de journalistes d’investigations, mais aussi dans les coulisses du pouvoir, avec la surprenante présence du ministre de la santé, Vlad Voiculescu. On découvre avec lui la perfidie d’un système tourné autour de l’argent (détournements de fonds publics, pots-de-vin, etc.) et la difficulté de le reformer. Un portrait croisé avec celui du journaliste Catalin Tolontan, sans concession vis-à-vis du gouvernement. Pugnace, il se bât pour la vérité dans un combat aux allures de David contre Goliath. Le film tempère d’ailleurs les deux personnalités : dans une scène le journaliste se voit attaquer sur l’objectif de sa quête tandis que le ministre doit affronter la perplexité du public face à des positions contestées. Dans tous les cas, la finalité est la même : le collectif.
Poignant et rigoureux, le dernier documentaire d’Alexander Nanau est un grand moment de journalisme. L’Affaire Collective interroge l’intégrité de nos systèmes et souligne l’importance d’agir ensemble. En mettant en avant les conséquences de la corruption d’un système aussi important que celui de la santé, il pousse à la réflexion sur nos responsabilités individuelles.