La Vénus d’argent : transfuge de cinéma

Héléna Klotz, fille de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, duo reconnu dans le cinéma d’auteur français, a remporté en 2011 le Prix Jean-Vigo pour L’Age Atomique, ainsi qu’une flopée d’autres prix (Prix FIPRESCI à Berlin, Grand Prix du Festival d’Angers). Révélation du cinéma français, elle n’a étrangement pas capitalisé sur ce coup d’éclat, narrant l’errance de deux adolescents un samedi soir. Dix ans plus tard, la revoici avec La Vénus d’argent, étrange histoire brassant des thèmes dans l’air du temps, le transfuge de classe, le refus de la binarité, le consentement, etc. Très stylisé esthétiquement, le film est surtout l’occasion de révéler en pleine lumière le charisme singulier de Claire Pommet, aka la chanteuse Pomme qui, à 27 ans, est déjà assez incontournable dans la chanson française d’aujourd’hui.

Jeanne a 24 ans. Elle vit dans une caserne en banlieue avec son père gendarme, son petit frère et sa petite sœur. Elle a fait le pari de réussir sa vie dans le monde de la finance. Pas pour la gloire ou le luxe, mais parce que c’est le moyen qu’elle a trouvé pour gagner sa liberté.

On retiendra surtout une boule d’énergie et de mystère, Claire Pommet, qui réussit haut la main son examen d’entrée dans le monde du cinéma, en demeurant à elle seule une énigme irrésolue, résistant ici de belle manière à toutes les tentatives d’élucidation narrative.

Héléna Klotz opte délibérément pour un maniérisme quasiment fincherien en décrivant l’univers de la finance sous les dehors d’un univers dystopique, froid et désincarné. Elle réussit un film atmosphérique où les bulles d’images et de son prédominent sur la moindre explication dramatique. Sur ces aspects-là, esthétique, voire esthétisant, et sonore, La Vénus d’argent s’avère plutôt accompli, plongeant ses spectateurs dans un cocon de sensations à la fois ouatées et abruptes.

On aurait aimé suivre le personnage de Jeanne Francoeur jusqu’au bout de son désir de transfuge de classe. En effet, tant que le film suit cette piste narrative, il s’avère intéressant, sinon fascinant. Néanmoins le scénario coécrit par la réalisatrice avec Noé Debré, un proche collaborateur de Jacques Audiard, et Emily Barnett, critique aux Inrockuptibles, se perd malheureusement en route, laissant le spectateur dubitatif. Tous les thèmes passionnants annoncés au programme ne sont en fait qu’effleurés, sans être approfondis, comme si les énoncer suffisait à les traiter : le refus de la binarité, le consentement, le changement de classe sociale, etc.

Il en demeure une impression amère d’insatisfaction, laissant sur sa faim. En dépit des compositions honorables de Niels Schneider en amoureux délaissé en raison d’un événement traumatique dont il est entièrement responsable, et Grégoire Colin, en père gendarme dépassé par les événements et l’intelligence de sa fille, on retiendra surtout une boule d’énergie et de mystère, Claire Pommet, qui réussit haut la main son examen d’entrée dans le monde du cinéma, en demeurant à elle seule une énigme irrésolue, résistant de belle manière à toutes les tentatives d’élucidation narrative. Revendiquant sa neutralité, sexuelle ou autre, le personnage de Jeanne permet d’ajouter une pièce rapportée cinématographique au personnage de la chanteuse Pomme (dont quelques éléments apparaissent aussi ici, sa collaboration à la bande originale du film, ou sa compagne Safia Naulin en second rôle) qui fait preuve ici d’autant d’intensité rentrée et de sensibilité retenue que sur scène. Une image revient surtout en boucle, celle d’un petit soldat qui avance, le regard buté, à l’indéniable charisme mutique et magnétique. Un véritable transfert de cinéma.

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RÉALISATEUR : Héléna Klotz 
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : drame
AVEC : Claire Pommet, Niels Schneider, Sofiane Zermani, Grégoire Colin
DURÉE : 1h35 
DISTRIBUTEUR : Pyramide Distribution 
SORTIE LE 22 novembre 2023