La Trilogie d’Oslo / Amour : un film délicat et remarquablement écrit

Deuxième volet de la Trilogie d’Oslo, après Rêves (Ours d’or à Berlin, sorti le 2 juillet dernier) et Désir (1er segment réalisé mais qui sortira en dernier, le 16 juillet), Amour confirme de manière admirable la réussite de ce projet ambitieux et notamment la qualité d’écriture de son auteur (jusque-là inconnu parmi la famille des cinéastes scandinaves) qui est aussi romancier.  

Sur un ferry qui les ramène à Oslo, Marianne, médecin, retrouve Tor, infirmier dans l’hôpital où elle exerce. Il lui raconte qu’il passe souvent ses nuits à bord, à la recherche d’aventures sans lendemain avec des hommes croisés sur des sites de rencontre. Ces propos résonnent en Marianne, qui revient d’un « blind date » organisé par sa meilleure amie et s’interroge sur le sens d’une vie amoureuse sans engagement. Mais ce soir-là, Tor succombe au charme de Bjorn, qui lui résiste et lui échappe…

Le réalisateur choisit la carte de la délicatesse, refusant tout discours moralisateur et tout jugement sur ses personnages ainsi qu’une liberté de ton bienvenue

Si ce long métrage peut se visionner de manière indépendante et sans respecter l’ordre des sorties en salle, il présente tout de même des points communs avec les deux autres, à commencer par la thématique : l’exploration du sentiment amoureux et de la sexualité, loin des conventions et de tout stéréotype, ce qui donne à l’ensemble un aspect indéniable de fresque dont chaque partie complète les autres. Pour aborder ces questions intimes et universelles (dans Amour, le couple et l’engagement), le réalisateur choisit la carte de la délicatesse, refusant tout discours moralisateur et tout jugement sur ses personnages ainsi qu’une liberté de ton bienvenue (aucun protagoniste ne semble vouloir s’enfermer dans une case précise), contrastant avec un certain ordre voulu par la société. Avec de tels sujets sensibles, Dag Johan Haugerud ne souhaite pas non plus choquer et ne verse pas dans un quelconque sensationnalisme : en effet, s’il est question de sexe, aucun acte n’est montré directement à l’écran. Ce choix évite intelligemment toute complaisance, ce qui a fait dire à certains qu’Amour possédait un côté trop « intellectuel » ou du moins trop littéraire. Impression que pourrait donner l’abondance des dialogues. Tous ces ingrédients, savamment dosés, se retrouvent dans la mise en scène raffinée, élégante, jamais ostentatoire (les plans y sont souvent fixes) qui célèbre à la fois les principaux personnages mais également les paysages.

Tous ces ingrédients, savamment dosés, se retrouvent dans la mise en scène raffinée, élégante, jamais ostentatoire (les plans y sont souvent fixes) qui célèbre à la fois les principaux personnages mais également les paysages.

Ce qui séduit dans ce long métrage, comme dans Rêves ou Désir, c’est l’importance des lieux, au sein d’Oslo, superbement captée à différents moments de la journée. La correspondance entre la cité et le thème central apparait même explicitement lors de la séquence d’ouverture d’Amour : une visite guidée durant laquelle la conférencière commente les fresques et sculptures de la ville glorifiant l’amour libre dans le cadre d’une grande célébration à venir. En réalité, les espaces sont au cœur du récit, qu’il s’agisse de l’hôpital (ses couloirs, ses chambres et ses bureaux de médecins), de la baie ou encore de Nesodden en face d’Oslo avec, sur les hauteurs, de superbes villas ou même du ferry. Reliant les deux rives, ce dernier est aussi symboliquement le trait d’union entre les personnages qui s’y croisent, et qui y vivent des expériences temporaires : c’est sur le ferry que l’infirmier Tor rencontre des aventures d’un soir (via les réseaux sociaux), n’hésitant pas à faire plusieurs allers-retours successifs s’il le faut, et qu’il se confesse à Marianne, médecin et collègue de travail. Ces mouvements rythment un film sans violence et sans dramaturgie excessive, où l’on échange sur des pratiques sexuelles librement consenties, sur la nécessité ou non de s’engager dans une histoire, sur les désillusions de l’amour sans pour autant éluder la maladie et l’impact que cette dernière peut avoir sur la libido.

La question du rapport à l’autre, la volonté de le comprendre est présente ici et, de façon plus globale, dans tous les opus de la trilogie.

Alors qu’ils ne semblent plus vraiment y croire, nos deux personnages principaux, Tor et Marianne vont finir par rencontrer l’amour. Sur le ferry, Tor rencontre Bjørn, un patient du centre hospitalier dans lequel il travaille, atteint d’un cancer. Petit à petit, ils se rapprochent. Cette histoire, très émouvante, montre des qualités humaines chez Tor qui accepte par amour de prendre soin de cet homme. Concernant Marianne, il en va de même : après plusieurs expériences décevantes (dont celle où un homme séduisant avec lequel elle couche finit par lui avouer qu’il est marié et engagé), elle va tomber sous le charme d’Ole (ce qui ne manque pas de l’interroger), et, dans le même temps, n’hésite pas à aider l’ex-femme de son nouveau compagnon. La question du rapport à l’autre, la volonté de le comprendre est présente ici et, de façon plus globale, dans tous les opus de la trilogie.

Porté par des interprètes remarquables de justesse, et enrobé d’une musique jazzy, Amour (sélectionné en Compétition à la Mostra de Venise 2024) est une belle chronique, écrite avec tact et finesse, qui prend les apparences d’un songe, voire d’un conte à la fois tendre, humaniste mais sans illusions.

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RÉALISATEUR :  Dag Johan Haugerud 
NATIONALITÉ : Norvège 
GENRE : Drame, Romance
AVEC : Andrea Bræin Hovig, Tayo Cittadella Jacobsen, Marte Engebrigtsen
DURÉE : 1h59
DISTRIBUTEUR : Pyramide Distribution
SORTIE LE 9 juillet 2025