La saveur des coings : fruit de la discorde

L’annonce de la perte d’un être aimé s’accompagne généralement d’un choc, d’une incrédulité. Si, au détour d’un bref moment de prise de conscience, l’idée peut commencer à germer dans nos esprits, l’idée est généralement vite éludée. On repousse l’impensable, jusqu’au jour où la dure réalité nous rattrape. Débute alors un travail de deuil, pour non pas remplacer ce qui nous semble irremplaçable, mais cautériser la douleur, donner une nouvelle place à l’être disparu. Avec La saveur des coings, le duo de cinéastes bulgares Kristina Grozeva et Petar Valchanov s’intéresse au processus du deuil, avec un humour empreint d’absurde et une légèreté bienvenue.

Vasil (Ivan Savov), un artiste peintre septuagénaire, vient de perdre son épouse Ivanka. Sa peine s’accompagne d’une culpabilité, d’un remord : avant son opération médicale, qui s’est avérée fatale, sa femme cherchait à lui dire quelque chose, malheureusement le téléphone du vieil homme s’est coupé pendant la conversation. Il souffre de ne pas savoir. Plusieurs évènements étranges vont amener Vasil à élaborer une théorie : et si Ivanka cherchait à entrer en contact avec lui depuis l’au-delà ? Contre l’avis de son fils Pavel (Ivan Barnev), il part à la rencontre d’un medium réputé. Une fuite en avant sous forme de chassé croisé, où chacun doit, au bout du compte, affronter la réalité.

C’est une histoire de perte : celle d’un être aimé, mais aussi de la raison. Créatif et cultivé, Vasil est surtout un homme erratique. Son humeur n’est jamais égale. Il peut être aussi joviale que tranchant et ne fait rien dans la demi-mesure. Au contraire, son fils Pavel est plus cartésien, plus dans le compromis. Tandis qu’il tente de raisonner son père, qui multiplie les expériences pour communiquer avec l’au-delà, il doit s’efforcer de garder le contact avec sa femme, tout en mentant sur le but de son voyage. Le film joue avec la vérité et maintient un suspense, une gravité derrière ces faux-semblants. Père et fils fuient ensemble leurs responsabilités.

Le coing, ce fruit amer qui devient comestible après transformation, est un parallèle particulièrement bien trouvé avec les personnages. Il y a les apparences et le fond, qui se dissimule et demande du temps, des efforts pour apparaître. Dans le film, le parcours n’est pas linéaire : Vasil, en roue libre, pousse Pavel hors de sa zone de confort. Plutôt effacé, il doit affronter un père délirant et déterminé. Un travail de deuil et d’accompagnement dans une Bulgarie post-communiste, en quête de spiritualité.

Avec un regard tendre et absurde, le duo de réalisateurs Kristina Grozeva et Petar Valchanov propose avec La saveur des coings une intéressante variation sur le thème du deuil. Un récit léger, drôle et universel, qui repose sur le talent de ses deux Ivan (Barnev et Savov).

3.5

RÉALISATEUR : Kristina Grozeva, Petar Valchanov
NATIONALITÉ : Bulgare, grec
AVEC : Ivan Barnev, Ivan Savov, Margita Gosheva
GENRE : Comédie dramatique
DURÉE : 1h27
DISTRIBUTEUR : Urban Distribution
SORTIE LE 7 juillet 2021