La Plus Précieuse des marchandises : il était une fois…

Si Michel Hazanavicius est surtout connu pour ses réalisations comiques, il arrive au cinéaste d’explorer de nouveaux territoires : le film de guerre avec The Search, en 2014, et l’animation cette année avec l’adaptation du roman homonyme, La Plus Précieuse des marchandises. Une première excursion réussie, d’une grande beauté visuelle et sonore. Sous son apparence de petit conte se cache une histoire mature, pleine d’humanité, où brille une faible lumière au milieu des ténèbres de la Shoah. Un poignant grand huit émotionnel dont on ne ressort pas intact.

Quelque part dans un bois enneigé, vivent un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Ils résistent tant bien que mal au froid, à la faim et aux affres d’une guerre devenue mondiale. Un terrible conflit qui oppose ceux qui ont un cœur aux « sans-cœurs ». Près de la cabane du couple passe régulièrement un train de marchandises, lancé à toute allure. Un jour, une petite marchandise tombe d’un wagon : un bébé, enveloppé dans un tissu. Un cadeau inespérée pour pauvre bûcheronne, qui y voit un signe du destin. Avec son mari, ils vont devoir faire face à la haine et à la délation. A quelques kilomètres de là, les parents de l’enfant arrivent dans un camp de la mort.

Tiré du roman de Jean-Claude Grumberg, La Plus Précieuse des marchandises affronte notre mémoire collective : l’œuvre ancre la Shoah dans un conte intemporel, entre humanité et monstruosité. Dans une Pologne qui ne dit pas son nom, sont déportées des personnes portant une étoile jaune. Pourquoi ? Parce qu’ils sont différents, parce qu’ils n’ont pas de cœur, parce qu’ils sont responsables des maux du monde, parce que, tout simplement. Dans les bois, un train anonyme passe encore et encore, il carbure à la haine, indifférent au sort des « marchandises » qu’il transporte. Dans cette nature blanche, le bruit des wagons brise la douceur des bois. Pourtant, en tendant bien l’oreille, on peut entendre plus que la fureur : le rythme s’apparente à celui du battement d’un cœur.

Au bout du chemin de croix, fait d’espoir et de courage, la voix de l’acteur Jean-Louis Trintignant : l’essentiel, c’est l’amour, « tout le reste est silence ».

Alliant pesanteur et grâce, le film de Michel Hazanavicius parvient toujours à être à bonne distance de son sujet. Un regard délicat, tout en justesse, qui touche par sa sensibilité. La Plus Précieuse des marchandises est tout autant capable de faire rire, pleurer, que réfléchir, sans jamais basculer dans le pathos. Un récit entrecoupé de moments d’une tension rare, bousculant la narration, percutant nos attentes et nos sens. D’un coup, le conte au drame qui ne dit pas son nom se transforme en une véritable expérience visuelle et sonore : des visages dessinés au fusain envahissent l’écran, ils ont la bouche ouverte, un cri sans cri, une détresse muette. On n’entend que la musique d’Alexandre Desplat, impeccable, puissante et soignée. Une scène qui glace le sang. On est réellement surpris par la force de la mise en scène, évocatrice des sentiments des personnages et du choc émotionnel ressenti. Au bout du chemin de croix, fait d’espoir et de courage, la voix de l’acteur Jean-Louis Trintignant : l’essentiel c’est l’amour, « tout le reste est silence ».

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RÉALISATEUR : Michel Hazanavicius
NATIONALITÉ : Belgique, France
GENRE : Animation, drame
AVEC : Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Denis Podalydès
DURÉE : 1h21
DISTRIBUTEUR : StudioCanal
SORTIE LE 20 novembre 2024