La Pièce rapportée : embrassons-nous vaudeville!

« Par souci d’équité, le titre contient autant de voyelles que de consonnes. »…J’ai connu l’œuvre de Noëlle Renaude il y a bien longtemps lors d’ateliers théâtre. Je n’avais pas le souvenir de cette pièce, Ni du caractère vaudevillesque que les textes de la dramaturge pouvaient inspirer, au vu de leur écriture souvent hybride, parfois profonde. Parce qu’il faut bien un héritier, on est bien loin de tout cela avec le dernier long d’Antonin Peretjatko qui, en 1h26, fait le tour de tout, soit de tous les problèmes rencontrés par la France d’en-bas, et souvent issus de la France d’en-haut, ou inversement… tout dépend de quel point de vue on se place. Un peu facile mais efficace, comme il sait faire !

Car ici, aucune place à l’horizontalité (malgré ce faux mariage) : ça commence sur des chevaux dans une forêt, des gilets jaunes tombant à terre fusillés à la place de la bête chassée par les bourgeois de la famille Château-Têtard, la caméra du guichet de la RATP comme l’œil de la propriétaire seront là pour tout surveiller, la tour Eiffel sera le lieu du quiproquo avant que la belle héroïne, Ava (Anaïs Demoustier), tombée enceinte de son amant détective Jérôme (William Lebghil), et retombant de son petit nuage face à l’amoureux épeuré, et, dans l’immense hôtel particulier de la famille Château-Têtard, rendue richissime par le feu père inventeur de la valise à roulettes, c’est un monte-escalier (monte-charge !) appelé Pinochet… qui nous fait monter et descendre (mais pas encore tourner la tête) quand la vieille ne tombe pas dans les marches… C’est qu’il s’agit d’un film vaudevillesque où les gags se multiplient sans pour autant insuffler son meilleur rythme propre au sous-genre théâtral.

La volonté de burlesque afflue, cyniquement, pour dénoncer l’histoire glorifiante et les manières d’une certaine classe, bourgeoise : avocats, médecins, notaires, entrepreneurs d’un côté quand ce ne sont pas les artistes ou publics des musées perçus à travers des toiles d’araignée ou leur instrument de musique qui n’en fait qu’à leur tête

La volonté de burlesque afflue, toujours en verticalité ascensionnelle ou descendante, à travers le portrait des personnages, offrant au spectateur d’en rire : depuis la Reine-Mère Adélaïde (Josiane Balasko) qui se mettra à marcher avec une robotique non maîtrisable quand elle ne surveille pas sa belle-fille, dite la ptite pute, et son fils Paul (Philippe Katerine), sorte de Tanguy geek tête baissée sur les jeux sur son portable, au « véritable » détective privé Dalac (Philippe Duquesne) capable de se cacher sous sa table pour faire des blagues à faire rire ou peur – dont les airs et le ton, au passage, ressemblent fort à ceux de Jean-Luc Mélenchon – quand ce n’est pas le chauffeur de la Roll’s, Raoul (Sergi Lopez), qui finit écrabouillé sur le gravier de l’hôtel particulier après être tombé du 1er… Cela afflue, cyniquement, pour dénoncer l’histoire glorifiante et les manières d’une certaine classe, bourgeoise : avocats, médecins, notaires, entrepreneurs d’un côté quand ce ne sont pas les artistes ou publics des musées perçus à travers des toiles d’araignée ou leur instrument de musique qui n’en fait qu’à leur tête – un piano qui engloutit Reine-Mère ou un étui de violoncelle dans lequel la nouvelle Eve se cache (non sans faire penser au Roman d’une contrebasse de Tchékhov). Peretjatko insuffle ainsi des images ou formules surréalistes comme il nous y a habitués : un chien qui fume la pipe, un vomi ramassé par la porte du Lutétia, une chevelure en forme d’étoile fantaisiste, le monte-escalier du nom de Pinochet… pour nous montrer, non pas l’absurdité de comportements actuels, mais le décalage énorme qui subsiste entre des milieux. La jeune guichetière de la « Compagnie » des transports parisiens n’échappe pas à la critique derrière ses airs romanesques : les femmes s’ennuient, c’est bien connu, quand elles ne sont pas des pestes…

Ce film, qui mêle analepse, prolepse et voix off, et sans doute nombre de références à des sous-genres cinématographiques (de la comédie romantique au polar des années 50), ne laisse toutefois pas indifférent tellement les situations sont ridicules, et fait un bien non pas fou mais ponctuel à l’heure où manquent les comédies, à l’heure où la censure, la domination, la bêtise transforme le monde en un autre. Ainsi, si vous voulez passez un agréable moment, ce film est bien pour vous, avant les fêtes, et même si on est plus près du cadeau Yves Rocher que du Guerlain, l’odeur de la puanteur reste bonne car elle est acide et non adulée !

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RÉALISATEUR :  Antonin Peretjatko
NATIONALITÉ : française
AVEC : Anaïs Demoustier, Josiane Balasko, Philippe Katerine, William Lebghil 
GENRE : comédie
DURÉE : 1h26 
DISTRIBUTEUR : Diaphana Distribution
SORTIE LE 1er décembre 2021