Le nouveau long métrage de Pierre Salvadori est une incursion plutôt réussie dans un genre codifié, le film de groupe d’adolescents, dont les modèles sont Stand By Me (Rob Reiner, 1987), Super 8 (J. J. Abrams, 2011) ou plus récemment la série Stranger Things (les frères Duffer).
C’est d’ailleurs la première fois que le réalisateur, connu pour ses comédies dramatiques sophistiquées (Les apprentis, Hors de prix, Dans la cour, En liberté !), met en scène des personnages d’enfants. À l’origine, le film se centrait sur un petit groupe d’adultes « incompétents et maladroits » mais Pierre Salvadori a opté pour des enfants pour des questions de dramaturgie : « J’étais tout à coup beaucoup plus intéressé par leur sens de l’improvisation, du mensonge, de la débrouille. »
Tourné en Corse, sur les lieux d’enfance du cinéaste, le film met en scène quatre collégiens de 12 ans qui s’embarquent dans un projet fou : faire sauter l’usine qui pollue leur rivière depuis des années. Mais dans le groupe fraîchement formé les désaccords sont fréquents et les votes à égalité paralysent constamment l’action. Pour se départager, ils décident alors de faire rentrer dans leur petite bande, Aimé, un gamin rejeté et solitaire.
Si le film est réjouissant, c’est qu’il est bien plus grave et subtil qu’il n’y parait, abordant des thématiques sérieuses : l’engagement, la groupe et la force que l’on peut en tirer, la solitude et le harcèlement scolaire, l’écologie
Si le film est réjouissant, c’est qu’il est bien plus grave et subtil qu’il n’y paraît, abordant des thématiques sérieuses : l’engagement, la groupe et la force que l’on peut en tirer, la solitude et le harcèlement scolaire, l’écologie… Mais on aurait tort de voir La Petite bande comme un film militant, donneur de leçons. En s’intéressant de près à la trajectoire de ces 5 ados, très différents, le cinéaste ne met pas réellement en scène un « film vert », dans la mesure où les raisons qui poussent chacun des membres de ce groupe qui se fait appeler « Les Ninjas verts » ont peu de chose à voir finalement avec la préservation de la nature. Le sujet qui intéresse Salvadori est le plaisir d’être ensemble, et comment ce « bonheur d’être ensemble » permet de construire un idéal, et à des enfants de devenir des héros (idée renforcée par l’utilisation de masques). C’est notamment dans cet aspect là que le film réussit à déjouer les attentes du spectateur en s’écartant de la simplicité narrative à laquelle il était pourtant prédestiné.
Si cette aventure demeure drôle et émouvante, c’est en grande partie le fait des jeunes interprètes, tous très bons
Si cette aventure demeure drôle et émouvante, c’est en grande partie le fait des jeunes interprètes, tous très bons : on citera volontiers la performance de Paul Belhoste, dans le rôle de Aimé (victime de harcèlement, à la recherche de copains) ou celle de Mathys Clodion-Ginès dans le rôle de Fouad, le plus en harmonie avec la nature qui l’entoure (il est littéralement bouleversant, notamment dans la scène où il explique son rapport à la rivière). A leurs côtés, les adultes occupent certes des rôles secondaires mais loin d’être inutiles. Ainsi, Laurent Capelluto est le patron de l’usine qui fait échouer le plan des enfants, il se montre cruel ; à ce sujet, il est intéressant de constater que le film n’évacue pas la cruauté ni la noirceur présentes dans l’œuvre de Salvadori. Le conte familial, mené tambour battant, marqué par un certain souffle et du burlesque (autre caractéristique habituelle du cinéma de Salvadori) n’exclut en rien la gravité et la justesse du regard porté sur le mal-être d’une certaine jeunesse, très loin de tout angélisme.
Enfin, il convient d’écrire quelques mots sur les paysages filmés. C’est l’un des atouts du long métrage. Pierre Salvadori a filmé sur des lieux familiers, convoquant des moments de son enfance, des situations vécues. Lors de la présentation du film à Ajaccio, à une question posée sur son rapport personnel aux jeunes héros, le cinéaste a confié se sentir assez proche de Aimé, notamment dans cette solitude et cette recherche de copains. Au-delà de cet aspect autobiographique, c’est la nature elle-même qui est mise en avant : filmer la forêt, la rivière, les saisir à des moments précis, montrer que ces lieux sont des espaces de liberté. Une sorte d’écrin parfait pour les aventures de jeunes enfants, un monde fait de cabanes, de kayaks, de grottes. Pour autant, à aucun moment, il ne fait une œuvre corse, bien au contraire (cela est renforcé par le fait que les enfants choisis pour les rôles ne sont pas originaires de l’île). Son film est bien universel.
Au-delà de cet aspect autobiographique, c’est la nature elle-même qui est mise en avant : filmer la forêt, la rivière, les saisir à des moments précis, montrer que ces lieux sont des espaces de liberté.
Comédie familiale rythmée, intelligente et jamais mièvre, portée par une musique originale signée Pierre Gambini, La Petite bande apparait bien comme un conte plutôt insolent mais également comme un divertissement estival idéal à partager en famille et en salles !
RÉALISATEUR : Pierre Salvadori NATIONALITÉ : France AVEC : Paul Belhoste, Mathys Clodion-Gines, Aymé Medeville, Colombe Schmidt, Redwan Sellam, Laurent Capelluto, Toussaint Martinetti GENRE : Comédie familiale DURÉE : 1h48 DISTRIBUTEUR : Gaumont Distribution SORTIE LE 20 juillet 2022