Depuis sa première apparition fracassante au cinéma (une scène d’accouplement sauvage, allant jusqu’à l’orgasme, dans 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix), Béatrice Dalle tient une place rare dans le cinéma français et international, celle d’une icône du cinéma indépendant qui choisit ses metteurs en scène, plus pour leur personnalité que pour leurs scénarios qu’elle ne lit jamais. Ce faisant, elle s’est constituée une jolie filmographie où se côtoient Marco Bellochio, Jim Jarmusch, Claire Denis, Abel Ferrara, Christophe Honoré, Michael Haneke, Olivier Assayas, Gaspar Noé, Yann Gonzalez… Fabrice Du Welz est le petit nouveau dans cette liste prestigieuse et le premier à lui avoir proposé un documentaire-portrait qui essaie de cerner un personnage franc du collier et pourtant insaisissable, irréductiblement libre.
Septembre 2022, Béatrice Dalle arrive en Italie. À l’origine de ce voyage, il y a le désir de marcher sur les traces de Pier Paolo Pasolini, l’homme de sa vie. D’Est en Ouest, du Nord au Sud, elle parcourt les décors de son rêve afin qu’advienne la rencontre. Ce film relate l’histoire de sa quête…
Béatrice Dalle était déjà présente dans Maldoror du même metteur en scène, bouleversante en mère reniée par son fils. Cette fois-ci, c’est la vraie Béatrice Dalle qui devient le sujet principal de ce projet parallèle de Fabrice Du Welz. Elle part en Italie sur les traces d’un des grands amours de sa vie, Pier Paolo Pasolini, prétexte à dresser en creux son propre portrait, celui d’une femme libre et intransigeante, en-dehors des conventions et des contingences. Elle évoquera ainsi aussi avec Abel Ferrara, en guest star aussi allumée qu’elle, Godard et Pasolini, les seuls cinéastes qui étaient des intellectuels tout autant que des metteurs en scène ou Céline, l’écrivain maudit, qui n’aimait pas Shakespeare qui s’évertuait de toutes ses forces à séduire le lecteur. Elle se montrera surtout très drôle, n’allant jamais dans sa cuisine ou se montrant largement au-dessus de toutes considérations et contingences financières.
Tourné en noir et blanc, à la faveur de longues discussions dans des restaurants ou des cafés, La Passion selon Béatrice évoque étrangement dans sa forme Godard, celui des grandes discussions philosophiques de Vivre sa vie, Une femme mariée ou La Chinoise. Du Welz se permet même de citer une autre séquence de Vivre sa vie, en filmant Béatrice Dalle en pleurs, décomposée, devant les images de L’Evangile selon Matthieu de Pasolini, clin d’oeil à Anna Karina en larmes devant La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer. Filmant de manière sobre Béatrice sur les routes d’Italie, Du Welz semble faire, comme Edgar Wright pour les Sparks, un pas de côté créatif pour consacrer un documentaire à une femme qui l’inspire, un hommage d’amitié à un exemple de liberté et d’intransigeance.
Béatrice Dalle n’est pas venue à la projection de l’Etrange Festival, en raison de problèmes personnels. Peu importe, elle était plus présente que jamais via l’écran, donnant un exemple de liberté, d’anticonformisme et de générosité, qu’elle a assurément puisé chez Pier Paolo Pasolini.
RÉALISATEUR : Fabrice Du Welz NATIONALITÉ : belge, française GENRE : documentaire AVEC : Béatrice Dalle, Abel Ferrara, Clément Roussier DURÉE : 1h20 DISTRIBUTEUR : Carlotta Films SORTIE LE 20 novembre 2024