La Partition : funeste morceau

Matthias Glasner est un réalisateur allemand, encore méconnu en France, dont la seule production notable est La Grâce, sélectionné en compétition à la Berlinale de 2012. La Partition marque le retour du cinéaste dans la sélection berlinoise de 2024, où le film a remporté l’Ours d’argent du meilleur scénario, une belle récompense après douze ans d’absence. Lars Eidinger, Corinna Harfouch et Lilith Stangenberg forment une belle distribution dans un film résolument pessimiste.

Tom, chef d’orchestre à Berlin, est sur le point de devenir le père de l’enfant de son ex-femme. Sa sœur Ellen, entame une liaison avec un homme marié, avec qui elle partage une passion pour l’alcool. Leurs parents déclinent physiquement et se sentent délaissés par leurs enfants. Alors qu’ils tentent de renouer des liens, les non-dits empêchent la famille Lunies de se réconcilier.

La Partition dure trois heures, bien remplies de tristesse et de mélancolie, une sorte de mélodie du malheur qui traite d’une incommunicabilité insoluble.

Un père atteint d’une forme de démence, une mère gravement malade qui n’entretient pas une relation très heureuse avec son fils Tom, un musicien empêtré dans ces drames familiaux et aux prises avec les tentations suicidaires de son collègue compositeur. La Partition n’a absolument rien de joyeux et ne fait que décrire un système familial dysfonctionnel où règne un sérieux manque de communication. Matthias Glasner ne cache pas l’influence des films d’Ingmar Bergman, tant il s’amuse à composer une Sonate d’automne déstabilisante, entrecoupée de silences désarmants et de propos difficiles. Dans un passage du film, Tom regarde Fanny et Alexandre, chef-d’œuvre du cinéaste suédois qui raconte la perte d’un père, l’explosion d’une famille et la sévère autorité d’un évêque, sous les yeux de deux enfants. En quelque sorte, La Partition est une relecture de ce film, avec ce qu’il faut de pessimisme et de dramaturgie. Le scénario déroule cette histoire qui est en réalité une fresque familiale où les personnages lavent leur linge sale et où l’unité et la solidarité ne sont pas respectées. Il en découle un climat relativement plombant, dominé par les non-dits, les rancœurs, les regrets, et un sentiment d’inacceptation, avec la nette impression d’assister à un florilège de querelles et de vies tristes ou frivoles. Lilith Stangenberg interprète une sœur débridée dont l’existence va à vau-l’eau et parachève la description d’un schéma explosif, où Tom reste étonnamment stoïque en affrontant ces événements.

La musique adoucit les mœurs, mais non les divisions. L’ombre de Bergman se dessine. Matthias Glasner se pose en disciple scolaire.

Copier le style d’Ingmar Bergman n’est pas chose simple, surtout quand il s’agit de l’incommunicabilité, un thème que le cinéaste suédois chérissait tant. Matthias Glasner n’a pas sa maestria, même si sa mise en scène posée permet de mettre en valeur des dialogues cinglants et des vérités désagréables. Cependant, si Fanny et Alexandre comprend cinq heures délicieuses, le film du réalisateur allemand ressemble à une tragédie classique scolaire qui se contente d’enchaîner les scènes pessimistes durant trois heures. Il y a des plans soignés, avec une froideur qui s’en dégage et un académisme saisissant, doublé de personnages passifs ou apathiques. Le scénario, qui a donc été récompensé, délivre une musique faite de fausses notes et d’un son mélodieusement trop dramatique. L’intention était bonne. La durée du film est certainement bien trop longue pour raconter le délitement de cette famille qui se déchire et subit complètement. De ce fait, les trois heures en paraissent quatre ou cinq, même s’il est évident que tout n’est pas mauvais, notamment l’interprétation des trois acteurs.

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RÉALISATEUR : Matthias Glasner
NATIONALITÉ :  Allemagne
GENRE : Drame
AVEC : Lars Eidinger, Corinna Harfouch, Lilith Stangenberg
DURÉE : 3H00
DISTRIBUTEUR : Bodega Films
SORTIE LE 4 août 2024