Radicalité politique, engagement amoureux et introspection tout en lyrisme, tel est le cocktail du nouveau film d’animation de Félix Dufour-Laperrière, présenté cette année à Cannes, à la Quinzaine des Cinéastes. Sept ans après Ville Neuve, un premier film d’animation en noir et blanc, qui mêlait déjà amour et politique, le réalisateur québécois réitère, en couleur, avec La Mort n’existe pas, un périple champêtre et onirique qui traite de la violence politique, de ses motivations, sa légitimité et ses conséquences, dans un cadre qui dépasse les frontières de la Belle Province.
Après un attentat armé raté contre de riches propriétaires, Hélène (Zeneb Blanchet) abandonne ses compagnons et s’enfuit en forêt. Manon (Karelle Tremblay), une de ses amies et complices lors de l’attaque, revient la hanter. Hélène doit revisiter ses convictions, ses choix et leurs conséquences, dans une vallée où métamorphoses et grands bouleversements viennent bousculer l’ordre des choses.
Quelques scènes graphiques, emplies de sauvagerie, viennent ponctuer le parcours d’Hélène, pour lui rappeler que dans la nature comme en société, le choix de la violence n’est jamais sans répercussion.
La Mort n’existe pas détonne par son style de dessin unique. Tantôt verte, rouge ou dorée, la couleur des protagonistes s’adapte à celle des décors, eux-mêmes miroirs de la psyché d’Hélène, hantée par un acte manqué aux conséquences tragiques. Ce choix artistique audacieux permet au cinéaste d’exprimer pleinement le potentiel lyrique de son œuvre, où rêve, fantasme et réalité se mêlent pour permettre une introspection tout autant personnelle qu’universelle sur la thématique de l’engagement. La nature est également mise en avant dans son ensemble, que ce soit dans son aspect champêtre ou dans la violence terrible qu’elle dissimule. Quelques scènes graphiques, emplies de sauvagerie, viennent ponctuer le parcours d’Hélène, pour lui rappeler que dans la nature comme en société, le choix de la violence n’est jamais sans répercussion.
À l’heure où les changements radicaux semblent impossibles par la voie démocratique, la lutte armée (et les risques qu’elle implique) est-elle un mal nécessaire pour tendre vers une société conforme à nos idéaux ? Cette question compte parmi les fils rouges d’une intrigue orientée autour de la question de l’engagement en général. En abandonnant ses amis, Hélène a trahi ses idées par peur de perdre la vie, mais aussi par peur que ses actions violentes, son possible sacrifice, n’aient au final aucune conséquence sur la société qu’elle essaye de changer. Son désengagement se manifeste aussi via le personnage de Marc, pour qui elle a des sentiments qu’elle tente d’abord de réprimer, par crainte d’une relation amoureuse instable du fait de leur clandestinité commune. Face à la possibilité d’obtenir une seconde chance, la protagoniste remet en question la place qu’occupent ses convictions et les possibilités de leur mise en pratique.
Si l’intrigue ne s’ancre pas dans un pays précis, ni même dans une lutte politique clairement identifiée, La Mort n’existe pas peut aisément se rattacher à bon nombre de sujets d’actualité à travers le monde. La thématique écologique, si elle n’est pas citée factuellement, se retrouve en filigrane aussi bien dans les dialogues que dans l’animation chimérique proposée par Félix Dufour-Laperrière et relaie l’urgence d’agir radicalement sur ce sujet, comme le font chaque année scientifiques et militants. Loin d’être dans une posture moralisatrice vis-à-vis de l’usage de la violence en politique, le film s’aborde davantage comme une grille de lecture onirique sur un acte fort en sens et en conséquence.
RÉALISATEUR : Félix Dufour-Laperrière NATIONALITÉ : Canada GENRE : Animation AVEC : Zeneb Blanchet, Karelle Tremblay, Mattis Savard-Verhoeven DURÉE : 1h12 DISTRIBUTEUR : UFO Distribution SORTIE LE prochainement