Benedict Cumberbatch in the movie "The Wonderful Story of Henry Sugar."

La merveilleuse histoire de Henry Sugar : hommage ampoulé à Roald Dahl

Wes Anderson n’a jamais caché son admiration sans bornes pour Roald Dahl. Près de quatorze ans après la sortie du film d’animation Fantastic Mr Fox, le cinéaste texan rempile en adaptant plusieurs nouvelles de l’auteur britannique. Suivant fidèlement les récits de Roald Dahl, les quatre courts et moyens métrages, dont trois inédits, sont diffusés au compte-goutte sur Netflix, du 27 au 30 septembre. Et c’est La merveilleuse histoire d’Henry Sugar, présenté à la Mostra de Venise, qui ouvre le bal de cette anthologie. Une oeuvre très – trop ? – fidèle au texte original et qui ne parvient pas à le transcender.

À force d’hyper-stylisation, Wes Anderson prend le risque de tuer la matière vivante de son film.

Pendant trente-sept petites minutes, le film déroule frénétiquement – et au mot près – la nouvelle de Roald Dahl. Face caméra, les différents protagonistes content des récits qui s’imbriquent les uns dans les autres, remontant le temps et traversant les continents, d’Inde en Angleterre. Pour la faire courte, il s’agit de l’histoire d’un journaliste (Ralph Fiennes) qui relate l’histoire d’Henry Sugar (Benedict Cumberbatch), joueur de casino ayant fait fortune en s’inspirant de l’histoire d’Imdad Kahn (Ben Kingsley), qui avait lui-même appris d’un yogi à développer sa capacité de concentration pour voir sans les yeux.

Mise à l’épreuve ou mise en abîme, le moyen métrage est construit autour d’une narration qui ne laisse aucun répit aux spectateurs. Difficile de comprendre pourquoi le réalisateur se dépêche autant, alors même qu’il collabore pour la première fois avec une plateforme, ce qui assouplit les contraintes de durée. Toujours est-il que face à ce rythme effréné, l’effort de compréhension des différentes intrigues prend trop souvent le pas sur l’appréciation esthétique de l’oeuvre.

Car il ne s’agit pas de juger de la qualité littéraire – largement reconnue – du texte de Roald Dahl, mais de la mise en scène qu’en fait Anderson. Fidèle à lui-même, ce dernier déploie son habituelle palette de couleurs pastel, ses axes de symétrie et ses décors qui tiennent du carton-pâte. Il n’est pas étonnant que l’univers de l’écrivain se marie aussi bien avec celui du cinéaste, tant ils partagent une vision apparemment enfantine où se nichent des détails d’orfèvre.

Mais les choix du réalisateur ne donnent pas une nouvelle dimension à l’histoire d’Henry Sugar qui justifierait son adaptation cinématographique. Au contraire, ils occultent le récit en lui-même : le jeu très sobre des acteurs et la surcharge visuelle et sonore laissent trop peu de place aux émotions humaines. À force d’hyper-stylisation, Wes Anderson prend le risque de tuer la matière vivante de son film. Ou quand l’hommage se meut en vampirisation.

3

RÉALISATEUR : Wes Anderson
NATIONALITÉ :  américaine
GENRE : drame
AVEC : Benedict Cumberbatch, Ralph Fiennes, Dev Patel, Ben Kingsley
DURÉE : 37 minutes
DISTRIBUTEUR : Netflix
SORTIE LE 27 septembre 2023