La fièvre de Petrov : no future

En 2018, Kirill Serebrennikov avait plutôt laissé une bonne impression avec Leto, un des oubliés du Palmarès de l’époque, film sur les années rock underground de la Perestroika. C’était peut-être oublier trop vite Le Disciple, son précédent film, pensum lourdingue illustrant des citations de la Bible, passé inaperçu à Un Certain Regard en 2016. Délire hallucinatoire et performance un peu trop démonstrative de mise en scène, La Fièvre de Petrov se situe un peu à mi-chemin entre les deux, longuet et parfois déplaisant comme Le Disciple, original et attractif à certaines occasions comme Leto.

Affaibli par une forte fièvre, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, à la lisière entre le rêve et la réalité. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent…

Délire hallucinatoire et performance un peu trop démonstrative de mise en scène, La Fièvre de Petrov se situe un peu à mi-chemin entre les deux, longuet et parfois déplaisant comme Le Disciple, original et attractif à certaines occasions comme Leto.

On peut s’interroger sur le caractère légèrement opportuniste de La Fièvre de Petrov, le sujet renvoyant directement à la pandémie qui s’évertue à gâcher nos vies. Il n’est pourtant guère possible de nier l’originalité du projet, ressemblant à un long et immense cauchemar explorant la Russie post-Union Soviétique. On ne s’étonnera pas d’y retrouver les caractéristiques de l’âme russe, délire éthylique et comportement cyclothymique récurrents. Là où Serebrennikov est un peu plus original que la moyenne de ses confrères, c’est lorsqu’il introduit dans son intrigue des éléments assez hétérogènes comme les cascades d’une héroïne de film d’action pour une modeste bibliothécaire ou l’appel de soucoupes volantes pour son fils. En revanche, l’on regrette que les éléments mémoriels échouent à engendrer de l’émotion, en raison de la faible empathie produite par les acteurs. De même, d’un point de vue structurel, ils s’avèrent moins fluides que les souvenirs surgissant dans les films appartenant à la première manière d’Alain Resnais, d’Hiroshima mon amour à Providence environ. L’on sait que, dès le départ, Petrov va directement dans le mur mais cette préscience ne s’accompagne d’aucune compassion de notre part pour son cas.

Il n’en demeure pas moins que, même si le film fait ressentir toute sa durée, contrairement à d’autres, La Fièvre de Petrov nous plonge en immersion dans la Russie contemporaine, comme peu de films l’ont fait. Il est seulement très dommage que certains atouts comme l’utilisation d’une distribution transformiste (certains occupant plusieurs rôles à la manière des acteurs de Cloud Atlas des Wachowski) ou l’excellente bande-son rock du film (une adaptation de Tupelo de Nick Cave y est convoquée) ne dynamisent pas suffisamment un film qui se signale par des démonstrations de mise en scène, des tours de force trop ostentatoires pour permettre l’adhésion à son histoire.

2.5

RÉALISATEUR : Kirill Serebrennikov 
NATIONALITÉ : russe 
AVEC :  Semyon Serzin, Chulpan Khamatova, Yuriy Borisov
GENRE : Drame, fantastique
DURÉE : 2h25 
DISTRIBUTEUR : Bac Films 
SORTIE LE 1er décembre 2021