l y a dans Jone Sometimes quelque chose d’immédiatement envoûtant : cette langue basque qui pulse, la manière dont la caméra capte ce langage, ces respirations et ces silences, comme si chacun d’eux portait un monde. La jeune réalisatrice Sara Fantova aborde le passage à l’âge adulte avec une pudeur attentive, refusant le lyrisme artificiel pour privilégier la texture des instants. Son regard humaniste épouse les contours d’un âge fragile — celui où la responsabilité heurte encore la douceur de l’enfance — et trouve, dans la simplicité du geste filmique, une force discrète mais tenace.
À Bilbao, en plein mois d’août. La ville s’embrase de lumières et de musique pour la Semana Grande, mais Jone (Olaia Aguayo), vingt ans, avance à contretemps. Tandis que la fête bat son plein, elle se confronte à la maladie de son père (interprété par Josean Bengoetxea) et à la naissance d’un premier amour. Ces deux élans, contraires mais indissociables, bousculent l’équilibre fragile de sa jeunesse. Sara Fantova choisit de ne rien appuyer : elle observe le tumulte intérieur de son héroïne à travers des gestes, des regards, des souffles. En quelques jours, c’est tout un univers qui vacille — celui d’une jeune femme qui découvre, sans le chercher vraiment, ce que grandir veut dire.
C’est puissant et poignant ; cette pression immense pesant sur une jeunesse adultisée trop tôt.
Jone Sometimes est de ces films de personnages, dont la tenue repose presque entièrement sur les épaules de l’interprète principale. Olaia Aguayo irradie : présence brute, naturel désarmant, regard qui conserve à la fois la candeur et la densité d’une jeune femme traversée par des forces contradictoires. Fantova lui laisse un espace considérable — parfois tellement d’espace que le personnage paraît davantage contenir que se transformer sous les yeux. Jone est aidante, contrainte de répondre aux besoins des autres alors qu’elle cherche encore les siens, c’est puissant et poignant ; cette pression immense pesant sur une jeunesse adultisée trop tôt. Pourtant, l’évolution intérieure se révèle parcellaire : les vérités qu’elle reçoit frappent fort, de manière presque brutale, mais la métamorphose reste suggérée plus qu’elle n’est vécue à l’écran. Il faut accepter que le film relate une semaine marquante plutôt qu’une trajectoire de vie complète — des leçons apparaissent, mais la chair du changement se montre souvent à distance.
Les relations qui entourent Jone composent le contrepoint vital du film. La petite sœur incarne une innocence solaire dont la présence rend plus douloureux le nécessaire détachement de Jone ; leurs scènes communes sont des moments de tendresse vraie. Les amis et la jeunesse forment un chœur d’énergie — maladresse, audace, rires — qui empêche le film de s’enfermer dans la seule mélancolie. En revanche, le lien avec le père, central au dispositif narratif, manque parfois d’épaisseur. La maladie et les souvenirs sont distillés par fragments et voix off, et cette façon morcelée de révéler l’attachement laisse parfois sur la faim : l’émotion est là, mais elle n’atteint pas toujours la profondeur d’identification espérée. Peut-être s’agit-il d’un choix délibéré — l’idée que certaines blessures restent incomplètes.
Jone Sometimes laisse une empreinte douce-amère : nostalgie, tendresse, complexité émotionnelle et une délicatesse de ton qui évite la grandiloquence. Sara Fantova filme à hauteur d’émotion, dans une proximité presque documentaire, et parvient à rendre la jeunesse avec une justesse rare — des émois, des heurts, des instants qui transpercent l’écran. Le film n’offre pas toutes les réponses ; il refuse la démonstration, préfère le frôlement. Et c’est précisément dans cela que réside sa beauté : une simplicité habitée qui donne envie d’étreindre encore Jone, au-delà de ces jours décisifs.
RÉALISATRICE : Sara Fantova
NATIONALITÉ : Espagne
GENRE : Drame
AVEC : Olaia Aguayo, Josean Bengoetxea
DURÉE : 1h20
DISTRIBUTEUR : La Fidèle Studios
SORTIE LE : 17 décembre 2025 en salles


